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28
Juin

OPERATIONS D’AMENAGEMENT : TOUS LES ACTES NE FONT PAS GRIEF

La délibération par laquelle le conseil municipal ou l’organe délibérant de l’EPCI (Etablissement Public de Coopération Intercommunale) arrête le dossier définitif d’un projet d’aménagement revêt le caractère d’une mesure préparatoire insusceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. C’est le revirement de jurisprudence consacrée par l’Arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 30 mars 2016 (Conseil d’Etat, 30 mars 2016, n° 383037).

Ainsi, la délibération qui arrête le dossier définitif d’un projet d’aménagement après l’instauration d’une procédure de concertation n’est qu’une mesure préparatoire. Elle ne peut donner lieu à recours pour excès de pouvoir.

La raison qui en est donnée est simplement exprimée. Cette délibération ne permet pas la réalisation des opérations envisagées. Il est vrai qu’il faudrait l’intervention d’une déclaration d’utilité publique ou d’une autre décision de la réaliser, autant d’actes qui, eux, feront grief et pourront donner lieu à recours.

En l’espèce, un requérant avait demandé au Tribunal Administratif de BORDEAUX d’annuler pour excès de pouvoir deux délibérations du Conseil de la Communauté Urbaine de BORDEAUX par lesquelles ce Conseil d’une part avait arrêté, après concertation, le projet définitif de développement du réseau de transports en commun de la communauté urbaine, et d’autre part avait approuvé le principe de mesures d’aménagement en compensation des premiers effets du projet de développement du réseau.

Débouté  en première instance et en appel, il se pourvoit en cassation.

Les juges du fond avaient considéré que la décision de l’organe délibérant n’autorisait pas, par elle-même, la réalisation effective des opérations d’aménagement envisagées. Elle ne constituait, selon eux, qu’une mesure préparatoire de la procédure de la déclaration d’utilité publique, seule décision permettant de procéder aux acquisitions foncières et à la mise en compatibilité du plan local d’urbanisme nécessaire à une véritable mise en œuvre du projet.

Ils ont donc estimé que la délibération était insusceptible de recours quand bien même les moyens soulevés ne reposeraient que sur des moyens tirés des vices propres à la procédure de concertation.

Le Conseil d’Etat confirme cette appréciation, achevant ainsi de placer la délibération hors de portée de toute action contentieuse au même titre que celles se limitant à une approbation du bilan de la concertation (Conseil d’Etat, 2 février 1998, n° 660-364). Dès lors que la réalisation d’une opération d’aménagement ne peut être engagée qu’à la suite de leur déclaration d’utilité publique ou d’une autre décision de les réaliser, ces décisions ne font pas grief et ne peuvent être attaquées.

Le Conseil d’Etat expose ainsi dans des termes généraux que : « la délibération par laquelle le conseil municipal ou l’organe délibérant de l’Etablissement Public de  Coopération  Intercommunale  arrête, en application des dispositions précitées le dossier définitif d’un projet d’aménagement, ne permet pas, par elle-même, la réalisation des opérations d’aménagement lesquelles ne pourront être engagées, qu’à la suite de leur déclaration d’utilité publique ou d’une autre décision de les réaliser, » et donc que « cette délibération revêt le caractère d’une mesure préparatoire insusceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir« .

C’est donc le caractère de mesure préparatoire qui rend la délibération arrêtant le projet définitif insusceptible de recours ; les éventuels vices pouvant affecter la délibération arrêtant le projet définitif ne peuvent conduire à son annulation directe, le fait qu’elle soit qualifiée de mesure préparatoire permettra à un requérant éventuel de les soulever par la voie de l’exception d’illégalité à l’occasion du recours qu’il dirigera cette fois-ci à l’encontre de la décision finale. Il pourra s’agir de la déclaration d’utilité publique ou de la déclaration de projet, selon que des expropriations seront nécessaires.

Le Conseil d’Etat opère par cet Arrêt du 30 mars 2016 un revirement de la jurisprudence qui prévalait jusqu’alors et qui acceptait de reconnaître ces délibérations comme des actes faisant grief (Conseil d’Etat, section 30 octobre 1992, n° 140220 pour la décision arrêtant le principe et les modalités de réalisation d’un projet d’intérêt général ; Conseil d’Etat, section
6 mai 1996, n° 121915
, s’agissant de la délibération arrêtant le principe de la création d’un métro ; Conseil d’Etat, 24 novembre 2010, n° 318342, s’agissant des actes par lesquels le maître d’ouvrage se prononce, après débat public sur le principe et les modalités de poursuite du projet, s’agissant de la délibération sur le principe d’une délégation de service public).

Cependant, la possibilité d’invoquer par la voie de l’exception, l’illégalité de ces délibérations « préparatoires » à l’encontre notamment d’un arrêté portant déclaration d’utilité publique, pourra se heurter à l’application du fameux Arrêt du Conseil d’Etat DANTHONY (Conseil d’Etat, Assemblée 23 décembre 2011, n° 355-033) qui a considéré qu’un vice affectant le déroulement d’une procédure n’entache d’illégalité la décision prise à la suite que si ce vice a pu exercer une influence sur le sens de cette décision ou s’il a privé les intéressés d’une garantie. Cette jurisprudence protectrice permet ainsi de préserver l’annulation des décisions faisant grief, frappées de vices de procédure n’ayant pas de conséquence concrète. Les erreurs des mesures préparatoires s’en trouveront d’autant moins susceptibles d’entrainer l’annulation de la décision à l’encontre de laquelle elles seraient soulevées.

Cette décision s’inscrit dans un courant jurisprudentiel qui tend à croitre la sécurité juridique des documents d’urbanisme. Rappelons que dans l’Arrêt Commune de Ramatuelle du
17 avril 2013 (CE n° 348-311), la haute juridiction avait admis que la décision relative aux objectifs poursuivis par l’élaboration de la révision d’un plan local d’urbanisme et les modalités de la concertation puissent prendre la forme de délibérations successives, et que les objectifs du projet ne soient adoptés que dans un second temps, alors même que la concertation avait débuté depuis deux ans. Cette solution de sécurité juridique pour les documents d’urbanisme s’étend désormais aux opérations d’aménagement précédées d’une concertation.

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