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30
Juin

Attribution provisoire d’une délégation de service public en cas d’urgence

Conseil d’Etat 4 avril Communauté d’agglomération du centre de la Martinique.

Nombre de nos cabinets sont régulièrement interrogés par leurs clientes collectivités publiques sur la possibilité de conventionner de gré à gré et à titre transitoire avec un prestataire de service déterminé, ce, parallèlement à la conduite de la consultation à initier pour l’attribution – définitive – d’une Délégation de Service Public.

Il était alors traditionnellement répondu que ce conventionnement, même pour une courte durée, demeurait une Délégation de Service Public au sens des dispositions du code général des collectivités territoriales, en cela soumise à l’obligation d’une mise en concurrence préalable.

Dans un arrêt rendu le 4 avril 2016, le Conseil d’Etat vient, à cet égard, ouvrir une brèche en admettant la possibilité d’un contrat de Délégation de Service Public transitoire conclu de gré à gré, naturellement sous réserve de respecter des conditions strictes de principe comme de durée :

« 2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales :  » (…) Les délégations de service public des personnes morales de droit public relevant du présent code sont soumises par l’autorité délégante à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, dans des conditions prévues par un décret en Conseil d’Etat. (…)  » ; que si l’article L. 1411-12 prévoit que les dispositions de l’article L. 1411-1 ne s’appliquent pas aux délégations inférieures à certains montants, il les soumet également à une publicité préalable ; que les articles R. 1411-1 et R. 1411-2 du même code, pris pour application des articles L. 1411-1 et L. 1411-12, qui fixent les modalités de cette publicité, ne sont assortis d’aucune dérogation ; que, toutefois, en cas d’urgence résultant de l’impossibilité soudaine dans laquelle se trouve la personne publique, indépendamment de sa volonté, de continuer à faire assurer le service par son cocontractant ou de l’assurer elle-même, elle peut, lorsque l’exige un motif d’intérêt général tenant à la continuité du service public, conclure, à titre provisoire, un nouveau contrat de délégation de service public sans respecter au préalable les règles de publicité prescrites ; que la durée de ce contrat ne saurait excéder celle requise pour mettre en œuvre une procédure de publicité et de mise en concurrence, si la collectivité entend poursuivre la délégation du service, ou, au cas contraire, pour organiser les conditions de sa reprise en régie ou pour en redéfinir la consistance ».

Empreinte de pragmatisme et justifiée par les exigences de continuité du service spécifiques aux Délégation de Service Public, cette décision n’en est pas moins rigoureuse tant les conditions posées par la Haute Juridiction administrative apparaissent strictes :

  • Une situation d’urgence résultant de l’impossibilité soudaine de la personne publique de continuer à faire assurer le service par son cocontractant ou de l’assurer elle-même,
  • Une impossibilité, en outre, indépendante de sa volonté,
  • Un motif d’intérêt général tenant à la continuité du service public.

De telles conditions confinent, en effet, aux conditions de la force majeure, la soudaineté de l’impossibilité d’assurer le service se rapprochant de la notion d’imprévisibilité (dans la survenance de l’événement), son caractère indépendant de la volonté de l’autorité délégante – 2/2 – de la notion d’extériorité et les exigences de continuité du service de l’irrésistibilité (dans ses effets).

Dans ces conditions seulement, il pourrait alors être conclu une Délégation de Service Public sans mise en concurrence préalable, dont « la durée ne saurait », néanmoins, « excéder celle requise pour mettre en œuvre une procédure de publicité et de mise en concurrence, si la collectivité entend poursuivre la délégation du service, ou, au cas contraire, pour organiser les conditions de sa reprise en régie ou pour en redéfinir la consistance ».

Force est d’ailleurs de relever que, dans le cas d’espèce analysé par le Conseil d’Etat, la Haute Juridiction dénie toute caractéristique d’urgence à la situation qui lui est exposée, ce, à défaut d’ « impossibilité soudaine de la personne publique de continuer à faire assurer le service par son cocontractant ou de l’assurer elle-même ».

Il était, à cet égard, soutenu par la collectivité délégante qu’elle avait été tenue de « retirer », au mois de novembre 2015, l’avenant prolongeant la convention antérieure et que celle-ci devait donc être regardée comme ayant pris fin le 31 août 2015.

Le Juge des référés de première instance, suivi en cela par le Conseil d’Etat, avait, quant à lui, relevé qu’à l’exception des clauses suspensives de l’avenant refusées par l’autorité délégante et, au demeurant, finalement retirées, la prolongation de la délégation ne soulevait aucune observation, (ni a fortiori n’était entachée d’illégalité) de sorte que la décision de « retrait » intervenue le 3 novembre 2015 devait s’analyser en une résiliation, notifiée au délégataire postérieurement à la conclusion du nouveau contrat et par nature dépourvue d’effets rétroactifs.

Il en résultait, dès lors, que « le service public de la fourrière pouvait continuer d’être exécuté par la société Caraïbes Développement dans le cadre de la prolongation de la délégation conclue le 9 avril 2008, et donc que l’urgence ne justifiait pas que la CACEM conclue une nouvelle convention, même provisoire, sans publicité ni mise en concurrence ».

L’arrêt commenté procède donc, comme souvent, à un revirement ou, à tout le moins, à une avancée des principes jurisprudentiels, ce, sans qu’il ne soit effectivement appliqué à l’espèce en litige, signe renouvelé de ce qu’un assouplissement des règles matérielles s’accompagne le plus souvent d’un contrôle processuel, quant à lui, [plus] rigoureux.

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