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25
Nov

REFORME DU REGIME DES FUSIONS, SCISSIONS, APPORTS PARTIELS D’ACTIFS ET OPERATIONS TRANSFRONTALIERES DES SOCIETES COMMERCIALES

L’ordonnance du 24 mai 2023 et son décret d’application du 2 juin 2023, sont venus simplifier, compléter et moderniser les règles applicables aux fusions, scissions et apports partiels d’actifs dits « domestiques », au regard de celles applicables aux opérations transfrontalières. Parmi de nombreuses nouveautés issues de cette réforme, la scission partielle a été introduite en droit interne.

Cette réforme transpose la directive (UE) 2019/2121 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 modifiant la directive (UE) 2017/1132 en ce qui concerne les transformations, fusions et scissions transfrontalières. Elle a pour but de modifier le cadre juridique des fusions, scissions et apports partiels d’actifs aux fins de rendre plus accessible la réalisation de ces opérations au sein de l’espace européen.

Les nouvelles dispositions sont applicables aux opérations dont le projet a été déposé au greffe du tribunal de Commerce à compter du 1er juillet 2023.

Pour une meilleure compréhension et lisibilité des opérations, un redécoupage du chapitre IV du titre III du livre II du code de commerce, a été opéré par l’ordonnance. Désormais, le chapitre est intitulé « De la fusion, de la scission et de l’apport partiel d’actifs » et est divisé de la façon suivante :

– la section 1 est consacrée à la seule opération de fusion (articles L.236-1 à L.236-17 C. com.), divisée en deux sous-sections. L’une est consacrée aux dispositions générales applicables aux fusions entre sociétés commerciales, l’autre, aux dispositions particulières applicables aux fusions comportant la participation de sociétés par actions ou de SARL ;

– la section 2 est dédiée à la seule opération de scission (articles L.236-18 à L.236-26 C.com.), également divisée en deux sous-sections, comprenant pour l’une les dispositions générales et pour l’autre les dispositions particulières ;

– la section 3 qui concerne la seule opération de l’apport partiel d’actifs (articles L.236-27 à L.236-30 C.com.) ;

– enfin, la section 4 dédiée aux seules opérations transfrontalières (articles L.236-31 à L.236-46 C.com.).

Le décret a adopté le même découpage pour la partie réglementaire.

Au-delà des dispositions propres aux opérations transfrontalières, qui ne seront pas abordées ici, il en résulte des aménagements significatifs du régime des opérations de restructuration entre sociétés de droit français, présentés ci-dessous.

  • L’ordonnance a introduit un nouveau cas de dispense d’échange de titres en cas de fusion ou de scission :

En principe, en cas de fusion ou de scission, les associés de la société absorbée ou scindée doivent échanger leurs titres contre ceux de la société absorbante ou bénéficiaire afin de devenir associés de celle-ci (article L. 236-3 I pour les fusions et sur renvoi pour les scissions de l’article L.236-19 C.com.)

Pour rappel, la loi prévoyait initialement trois cas de dispense, savoir :

– absorption ou scission d’une filiale à 100 % ;

– fusion ou scission entre sociétés sœurs détenues chacune à 100 % par la même société mère ;

– l’auto-détention de ses propres titres par la société absorbée ou scindée.

Le quatrième et nouveau cas de dispense d’échange de titres s’opère lorsque les titres sont détenus par les associés des sociétés qui fusionnent dans les mêmes proportions dans toutes ces sociétés et lorsque ces proportions sont conservées à l’issue de l’opérations (article L.236-3 II 4° C.com. et sur renvoi de l’article L.236-19 pour les scissions). Le but de cette nouveauté est de simplifier les opérations de fusion dans lesquelles l’actionnariat des sociétés participantes est identique avant la fusion concernée et reste inchangé après la réalisation de l’opération. Par contre, cette dispense ne permet pas de s’affranchir du régime de droit commun des fusions, notamment avec en ce qui concerne l’intervention d’un commissaire à la fusion, l’approbation de l’opération par l’AGE ou la collectivité des associés des sociétés participantes, etc.

  • L’ordonnance donne des précisions sur le projet de fusion, de scission ou d’apport partiel d’actifs :

Première précision, le projet doit, à présent, être annexé au RCS afin d’être mis à la disposition du public au sens des textes européens.

La deuxième précision concerne les modalités de publication du projet sur le site internet des sociétés participantes. Jusqu’à présent il était nécessaire que chaque société participante soit dotée de son propre site internet et ce même si elles appartenaient au même groupe. Désormais, cette publication peut intervenir sur le site internet « principal » de chacune des sociétés participantes. Cela devrait permettre, en cas de fusion intervenant entre sociétés d’un même groupe, de considérer qu’une publicité sur le site internet du groupe vaut pour toutes les sociétés parties à l’opération. Cette précision est également applicable aux scissions et aux apports partiels d’actifs soumis au régime des scissions.

Auparavant, il existait une ambigüité qui figurait à l’article R. 236-2-1 du code de commerce, car il visait indifféremment le projet de fusion et l’avis de projet. Cela pouvait générer une incertitude sur la nature des documents à publier sur le site internet des sociétés participantes. Depuis, le décret a mis fin à cette insécurité juridique et il est désormais, clair que seul le projet de fusion doit être publié sur le site internet. Toutefois, les sociétés participantes pourront toujours continuer à publier également l’avis mais sur la base du volontariat.

La dernière précision concerne le contenu du projet d’apport partiel d’actifs lorsque cet apport est soumis au régime des scissions. En effet, le décret allège son contenu de certaines informations qui demeurent requises pour le projet de fusion ou de scission, savoir :

– modalités de remise des parts ou actions et date à partir de laquelle ces parts ou actions donnent droit aux bénéfices ainsi que toute modalité particulière relative à ce droit ;

– rapport d’échange des droits sociaux et, le cas échéant, montant de la soulte ;

– droits accordés aux associés ayant des droits spéciaux et aux porteurs de titres autres que des actions ainsi que, le cas échéant, tous avantages particuliers.

  • L’ordonnance modifie le régime des fusions « semi-simplifiées » :

La réforme est venue étendre le régime des fusions « semi-simplifiées » aux fusions impliquant des SARL (article L.236-12 sur renvoi de l’article L.236-8 al.2 C.com.) Avant, il était exclusivement applicable aux fusions réalisées entre sociétés par actions en raison de l’absence de renvoi de l’article L.236-11-1 du Code de commerce par les articles L.236-2 et L.236-23.

Ensuite, l’ordonnance a mit en conformité les modalités de calcul du seuil de 90 % avec celles prévues par les textes européens. Ce seuil doit être calculé par référence aux parts et autres titres conférant un droit de vote et non plus aux droits de vote eux-mêmes.

  • L’ordonnance étend le régime simplifié aux scissions entre sociétés par actions :

En effet, la suppression par la loi du 19 juillet 2019 du renvoi exprès à l’article L.236-11 du Code de commerce par l’article L.236-16 avait eu pour effet de rendre incertaine sur le plan juridique l’applicabilité du régime simplifié aux scissions à 100 % réalisées entre société par actions. Par contre, ce régime était bien applicable aux opérations de scissions impliquant des SARL uniquement ou des SARL et des sociétés par actions. Désormais les textes sont clairs et les scissions réalises entre sociétés par actions peuvent également bénéficier du régime simplifié (article L.236-21 C.com.).

Ce régime simplifié est également étendu aux opérations d’apports partiels d’actifs lorsqu’ils impliquent des SARL (article L. 236-28 C.com.).

  • L’ordonnance redéfinie partiellement l’apport partiel d’actifs :

La définition de l’apport partiel d’actif est modifiée sur deux points. Premièrement, l’ordonnance clarifie le fait que de tels apports peuvent comprendre des éléments de passif, ce qui existait déjà auparavant mais qui n’était pas littéralement visé par la loi. Deuxièmement, elle précise qu’un même apport partiel d’actifs peut être réalisé au bénéfice de plusieurs sociétés. Cette dernière précision permettra de diligenter qu’une seule et même procédure dans l’hypothèse de pluralité de bénéficiaire. Par exemple il n’y aura qu’un seul projet de traité à rédiger.

  • L’ordonnance introduit la scission partielle en droit interne (articles L.236-27 et R. 236-19 C.com.) :

Avant l’ordonnance, la scission partielle n’était pas totalement inconnue puisque le code général des impôts prévoit en effet un régime de neutralité fiscale pour ce type d’opération dite « d’apport attribution ». Sauf que sur le plan juridique, l’opération de scission partielle nécessitait la mise en œuvre de deux opérations successives :

– un apport partiel d’actifs qui était soumis ou non au régime des scissions, donnant lieu à l’attribution de titres de la société bénéficiaire au profit de la société apporteuse ;

– l’attribution par la société apporteuse de ces titres au profit de ses associés, par voie de réduction de son capital ou d’une distribution en nature.

Dorénavant, il sera possible d’attribuer directement les titres de la société bénéficiaire émis en rémunération de l’apport aux associés de la société apporteuse, sans que ces titres ne passent par le patrimoine de cette dernière.

Il est toutefois précisé que la scission partielle est possible que dans le cadre d’apport partiel d’actifs soumis au régime des scissions.

Cette étude de la réforme du 24 mai 2023 concerne uniquement les modifications et apports concernant les opérations de restructuration des sociétés françaises en droit interne. Les nouvelles dispositions relatives aux opérations de fusions, scissions et apports partiels d’actifs transfrontalières, ne sont pas étudiées ici.

Thierry Lebrun – Avocat associé, Laura Vitale – Juriste,

Pour plus d’informations, vous pouvez le contacter : t.lebrun@cdmf-avocats.com-04.76.15.39.16

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