Dans cette affaire, le Conseil d’Etat se positionne sur la notion de fraude tout en rappelant l’obligation de respecter la procédure contradictoire de retrait, obligation qu’elle a pourtant écartée dans un arrêt du 19 août 2025 n° 496157.
Dans cette affaire, le Conseil d’Etat considère que le Tribunal Administratif de GRENOBLE avait commis une erreur de droit en écartant la fraude alors qu’il résultait des faits de l’espèce établis par le Juge pénal qu’était caractérisée la volonté de la société pétitionnaire d’induire en erreur l’administration s’agissant de l’accord des propriétaires concernés pour leur partie privative par les travaux.
« 7. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la décision de retrait contestée est motivée par le fait qu’en dissimulant qu’elle n’avait pas obtenu l’autorisation des autres copropriétaires pour des travaux qui affectaient leurs parties privatives, la société DC ne pouvait ignorer qu’à la date du dépôt de sa demande, elle ne disposait pas d’une des qualités prévues à l’article R.423-1 du Code de l’Urbanisme. Il ressort par ailleurs des constatations établies par l’arrêt du 4 octobre 2023 de la cour d’appel de Chambéry, condamnant la société CD et M. A, son gérant, pour obtention frauduleuse de document administratif, qu’en signant la demande de permis de construire ey en attestant avoir qualité pour demander l’autorisation d’urbanisme, ils ont sciemment prétendu avoir l’autorisation de l’ensemble des propriétaires afin d’obtenir de façon indue le permis de construire sollicité. ».
Cependant, le Conseil d’Etat valide la position du Tribunal Administratif de GRENOBLE qui avait considéré que le retrait du permis de construire pour fraude était illégal pour méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure considérant :
« 9. Toutefois, en second lieu, aux termes de l’article L. 122-1 du code des relations entre le public et l’administration : « Les décisions mentionnées à l’article L. 211-2 n’interviennent qu’après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales () / L’administration n’est pas tenue de satisfaire les demandes d’audition abusives, notamment par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique ». Selon l’article L. 211-2 du même code :« Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / () 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits () ». La décision portant retrait d’un permis de construire est au nombre de celles qui doivent être motivées en application de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration. Elle doit, par suite, être précédée d’une procédure contradictoire, permettant au titulaire du permis de construire d’être informé de la mesure qu’il est envisagé de prendre, ainsi que des motifs sur lesquels elle se fonde, et de bénéficier d’un délai suffisant pour présenter ses observations. Les dispositions précitées font également obligation à l’autorité administrative de faire droit, en principe, aux demandes d’audition formées par les personnes intéressées en vue de présenter des observations orales, alors même qu’elles auraient déjà présenté des observations écrites. Ce n’est que dans le cas où une telle demande revêtirait un caractère abusif qu’elle peut être écartée.
10. Le respect du caractère contradictoire de la procédure prévue par les articles L. 121-1 et suivants du code des relations entre le public et l’administration constitue une garantie pour le titulaire du permis de construire que l’autorité administrative entend rapporter. Eu égard à la nature et aux effets d’un tel retrait, l’autorité administrative est tenue, y compris en cas de fraude, de mettre en œuvre la procédure contradictoire préalable à cette décision de retrait.
11. Il s’ensuit que c’est sans erreur de droit ni dénaturation que le tribunal administratif, qui a suffisamment motivé son jugement sur ce point, a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure, au motif que la Commune n’a pas fait droit à la demande de présentation d’observations orales formulée par la société DC, en sus de ses observations écrites, dans le cadre de la procédure de retrait pour fraude du permis de construire qui lui a été délivré. Ce motif justifie à lui seul qu’il soit fait droit aux conclusions présentées devant le tribunal administratif par la société DC. Il suit de là que la société Cocimes n’est pas fondée à demander l’annulation du jugement qu’elle attaque. ».


