Dans son arrêt du 12 juin 2024, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que l’absence d’une enquête interne suite à des allégations de harcèlement moral n’engage pas nécessairement la responsabilité de l’employeur pour manquement à son obligation de sécurité, dès lors que celui-ci justifie avoir pris des mesures suffisantes pour préserver la santé et la sécurité du salarié.
Par cette décision partiellement cassatoire, la Cour confirme que la charge de la preuve du respect de cette obligation pèse sur l’employeur et marque un revirement quant au caractère automatique de la conduite d’une enquête interne après dénonciation de faits de harcèlement.
Aux termes des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail, l’employeur a une obligation de sécurité de résultat à l’égard de ses salariés :
Il doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (mesures de prévention, d’information et de formation).
En cas de manquement, la responsabilité de l’employeur peut être engagée, indépendamment de l’existence d’un préjudice matériel ou moral avéré.
La jurisprudence dominante considérait qu’une enquête interne était incontournable dès lors que l’employeur avait connaissance d’éléments laissant supposer des faits de harcèlement moral, l’absence d’enquête étant alors susceptible de caractériser un manquement à l’obligation de sécurité.
Dans son arrêt du 12 juin 2024, la Cour de cassation devait déterminer si l’absence d’enquête interne, après dénonciation de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, constituait en soi un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, ou si l’appréciation pouvait être laissée à la souveraineté des juges du fond.
La Cour rappelle que c’est au juge du fond de déterminer, selon son appréciation souveraine, si les mesures prises étaient suffisantes pour préserver la santé et la sécurité du salarié.
La Cour confirme que l’employeur conserve la charge de la preuve du respect de son obligation de sécurité : le salarié n’a pas à démontrer l’inefficacité de l’enquête non diligentée.
Pour la Cour contrairement à une pratique antérieure, l’absence d’enquête n’est pas, en soi, fautive lorsque l’employeur démontre avoir pris des mesures immédiates et adéquates pour répondre aux plaintes du salarié.
Ainsi, cet arrêt marque un revirement notable : l’enquête interne, longtemps considérée comme une formalité obligatoire en cas d’alerte, devient un élément facultatif, dès lors que l’employeur prouve l’efficacité de ses réponses.
Cass. Soc., 12 juin 2024, n° 23-13 975
Romain Jay – Avocat associé
Pour plus d’informations, vous pouvez le contacter r.jay@cdmf-avocats.com – 04.76.48.89.89