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08
Sep

Fermeture temporaire d’un débit de boisson : le maire est-il compétent au titre de ses pouvoirs de police générale ?

Fermeture temporaire d’un débit de boisson : le maire est-il compétent au titre de ses pouvoirs de police générale ?

Réponse : NON, sauf en cas de péril imminent.

Le Conseil d’État a récemment rappelé, par un arrêt du 10 juillet 2025, la distinction fondamentale entre la police générale, confiée au maire, et la police spéciale des débits de boissons, dévolue au préfet.

Police générale vs Police spéciale :

Pour rappel :

  • La police générale vise à assurer le bon ordre, la sécurité, la salubrité et la tranquillité publiques sur le territoire communal. Le maire peut ainsi agir pour prévenir ou faire cesser les troubles à l’ordre public, tels que nuisances sonores, rixes, ou attroupements.
  • La police spéciale des débits de boissons est instituée par l’article L. 331-1 du Code de la sécurité intérieure, complété par les articles L. 3332-15 et L. 3332-16 du Code de la santé publique. Elle confère au préfet le pouvoir exclusif — sauf délégation expresse — de prononcer la fermeture administrative temporaire des débits de boissons, notamment pour prévenir des troubles graves liés à leur exploitation.

Il ressort de la jurisprudence que le maire peut intervenir, au titre de ses pouvoirs de police générale, dans des domaines relevant normalement de la police spéciale, lorsqu’une situation particulière d’urgence ou de péril imminent l’exige. L’arrêt fondamental en la matière reste la décision Lutétia (CE, Sect., 18 décembre 1959, n° 36385, 36428), qui illustre la complexité des interactions entre police générale et police spéciale.

Les faits à l’origine de l’arrêt :

Dans cette affaire, la société Le Magistral exploite un établissement combinant bar, restauration et débit de tabac à Villeurbanne.

  • En mai 2020, le maire ordonne une fermeture administrative d’un mois au titre de ses pouvoirs de police générale, invoquant des nuisances sonores nocturnes et des stationnements gênants signalés par les riverains.
  • En septembre 2020, le préfet du Rhône prononce une fermeture administrative de deux mois, sur le fondement de la police spéciale, après qu’une tentative de meurtre en bande organisée ait eu lieu aux abords de l’établissement, impliquant des clients connus pour leurs antécédents judiciaires.

Le Conseil d’État tranche : pas de péril imminent, pas de fermeture possible par le maire.

En l’espèce, le Conseil d’Etat annule l’arrêté de fermeture pris par le maire, estimant que les nuisances invoquées ne constituaient pas un péril imminent. À l’inverse, la fermeture prononcée par le préfet est validée, au regard de la gravité des faits (tentative de meurtre et troubles graves à l’ordre public).

Dans cet arrêt, le Conseil d’État admet que le maire, au titre de ses pouvoirs de police générale, puisse intervenir dans des domaines relevant en principe d’un pouvoir de police spéciale, en cas de péril imminent.

Référence : CE, Société Le Magistral, n° 488023, 488024