(Cour de cassation, 1ère civ., 2 juillet 2025, n° 23-16.329)
Aux termes de l’article 1075 du Code civil, la donation-partage est une donation entre vifs faite par un ascendant à ses descendants, qui opère en même temps un partage anticipé de tout ou partie de sa succession.
Aux termes de l’article 894 du Code civil, la donation simple est un acte par lequel une personne (le donateur) transmet de son vivant un bien à une autre (le donataire), sans contrepartie.
La donation simple est un acte de générosité isolé alors que l’acte de donation-partage est une opération d’anticipation successorale, exigeant une distribution réelle des biens entre héritiers présomptifs.
Dans cette affaire, un acte notarié de donation-partage de 1971 a été contesté par des héritiers qui soutiennent qu’il faudrait le requalifier en donation simple.
L’arrêt commenté concerne une donation-partage comportant des lots « mixtes », c’est-à-dire composés à la fois d’un bien attribué en pleine propriété et d’une quote-part indivise d’un autre bien.
Les demandeurs font valoir que l’acte n’opère pas une répartition matérielle des biens : certaines parts restent indivises entre donataires, ce qui selon eux empêche la qualification de donation-partage.
L’acte initial avait attribué des parcelles privatives à certains donataires, mais aussi le tiers indivis d’une maison à chacun des trois donataires.
En appel, la Cour de Lyon, dans un arrêt en date du 14 mars 2023, avait requalifié l’acte en donation simple, estimant qu’il ne procédait pas à un partage effectif.
Il a été soutenu devant la Cour de cassation que puisque l’acte allouait aussi des lots privatifs, il y avait bien un partage matériel.
Ils invoquaient l’article 1075 du Code civil (dans sa rédaction antérieure à la loi du 23 juin 2006), relatif à la donation-partage.
La Cour de cassation a rejeté le pourvoi et a approuvé la requalification en donation simple.
Elle a rappelé que « il n’y a donation-partage que dans la mesure où l’ascendant effectue une répartition matérielle des biens entre ses descendants ».
L’existence de droits indivis à l’égard de certains attributaires devait être examinée à la lumière de l’ensemble de l’acte : si les donataires ne recevaient pas, au minimum, une part privative pour chaque lot, l’acte ne pouvait être qualifié de donation-partage.
En l’espèce, malgré des attributions privatives, l’acte avait aussi alloué des parts indivises, ce qui empêchait selon la Cour de cassation un partage matériel effectif.
La requalification parait donc justifiée : l’acte ne satisfait pas les conditions d’une donation-partage.
L’arrêt confirme que la simple attribution privative ne suffit pas, s’il subsiste des indivisions non traitées matériellement.
Cet arrêt est publié au bulletin, ce qui lui donne une portée normative renforcée.
Il apporte une précision importante sur la frontière entre donation simple et donation-partage dans les actes mixtes
Il impose aux rédacteurs d’actes de donation-partage une grande rigueur dans la répartition effective des biens pour éviter des requalifications ultérieures.
Du point de vue pratique, l’affaire rappelle que des attributions “indivises” peuvent fragiliser la qualité de donation-partage.
Le contrôle par la Cour de cassation veille à ce que la forme ne supplante pas le fond : il faut un véritable partage matériel.
L’arrêt de la Cour de cassation est clair, il ne peut pas y avoir de donation-partage s’il subsiste une indivision.
Ce faisant, l’arrêt protège les héritiers qui pourraient être lésés par une répartition trop abstraite ou incomplète.
En matière successorale, cette jurisprudence souligne l’importance du principe de répartition matérielle dans les donations-partages.
En conclusion, la Cour renforce la sécurité juridique dans les donations familiales l’acte doit clairement opérer un partage concret pour se maintenir comme donation-partage, sinon il est requalifié en donation simple.
Cette requalification est particulièrement grave, outre l’aspect fiscal l’acte ne fige plus les valeurs au jour de la donation.
→ Les biens devront être réévalués au jour du décès du donateur.
→ Chaque donataire devra rapporter la valeur actualisée du bien reçu pour vérifier l’égalité entre héritiers.
→ Cela pourrait créer de fortes disparités et contestations entre enfants.
Les rédacteurs d’actes (notaires) devront être particulièrement vigilants.
Béatrice Bénichou- Médina – Notaire – Office Notarial Europole Presqu’île
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