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27
Jan

Devoir d’information de l’agent immobilier et presence de mérules (Cour de cassation 14 novembre 2019, n°18-21.971)

Par acte sous seing privé en date du 29 juin 2013, des vendeurs ont conclu une promesse synallagmatique de vente de leur maison d’habitation au profit d’acquéreurs sous la condition suspensive d’obtention d’un prêt.

Ces derniers ont versé un acompte de 10 000 € entre les mains de l’agent immobilier.

Les acheteurs ont ensuite refusé de réitérer la vente par acte authentique au motif qu’une information substantielle, à savoir la réalisation de travaux liés à la présence de mérule n’avait pas été portée à leur connaissance et que cette information n’était intervenue qu’à la veille de la signature de l’acte réitératif.

Les acquéreurs n’ont eu d’ailleurs connaissance de cette difficulté qu’à la lecture du projet d’acte de réitération.

Cette lecture du projet d’acte de réitération est intervenue après l’expiration du délai de rétractation.

Les acquéreurs potentiels ont assigné les vendeurs et l’agent immobilier en annulation ou résolution de la promesse de vente et restitution de l’acompte versé, et en responsabilité de l’agent immobilier et indemnisation.

La Cour d’Appel de Rennes par arrêt en date du 26 juin 2018 a condamné l’agent immobilier à payer aux acquéreurs une certaine somme en réparation de leur préjudice.

L’agent immobilier a contesté cette argumentation de la Cour d’appel et a formé un pourvoi en cassation en développant le fait que :

  • Il n’avait pas à procéder à des investigations supplémentaires relatives à la présence de champignons ou mérules car il était en possession d’un diagnostic portant sur ce point établi par un professionnel et démontrant l’absence d’indices permettant de suspecter le caractère erroné du diagnostic.

Sur ce point, la Cour d’appel de Rennes avait considéré que l’agent immobilier avait commis une faute en ne vérifiant pas l’acte de vente antérieur qui lui aurait permis de constater que l’immeuble vendu avait fait l’objet d’une ancienne attaque de mérules quand bien même le diagnostic en sa possession excluait la présence de mérules dans l’immeuble en cause.

  • Que les acquéreurs n’avaient jamais insisté auprès de l’agent immobilier sur le fait d’acheter un immeuble n’ayant jamais fait l’objet d’une attaque même ancienne de mérule .

La Cour de Cassation n’a pas suivi l’argumentaire de l’agent immobilier et a considéré qu’il lui appartenait de s’assurer que se trouvaient réunies toutes les conditions nécessaires à l’efficacité de la convention négociée par son intermédiaire.

Il devait donc se faire communiquer par les vendeurs leurs titres de propriétés avant la signature de la promesse de vente, ce qui lui aurait permis d’informer les acquéreurs de l’existence de travaux précédents ayant traité la présence de mérules.

Cet arrêt est important car il renforce les obligations à la charge de l’agent immobilier.

Celui-ci ne peut pas s’arrêter à la simple lecture d’un diagnostic portant sur un point précis établi même par un professionnel.

Il doit procéder lui-même à des investigations supplémentaires plus poussées et notamment bien lire l’acte de propriété des vendeurs afin de vérifier si une information importante n’a pas à être portée à la connaissance du potentiel acquéreur.

De même, l’acquéreur n’a pas à informer l’agent immobilier d’une qualité spécifique d’un bien recherché dès lors que doit être considéré comme acquis que tout acquéreur potentiel ne souhaite pas acquérir un bien qui a fait l’objet de mérules ou de champignons.

L’acte de propriété aurait permis à l’agent immobilier de constater que l’immeuble avait été atteint d’une attaque de mérules.

Ainsi, dans cette affaire, l’agent immobilier a été condamné à payer une somme de 31 825 €.

Comment la cour est-elle arrivée à ce montant ?

La Cour d’appel a refusé de prononcé la nullité de la vente estimant que le fait pour les vendeurs de ne pas avoir informé leurs acquéreurs de la présence quatre ans plus tôt de mérules dans la cuisine ne constituait pas une réticence dolosive.

Elle a estimé que le refus des acquéreurs de signer l’acte authentique de vente était dépourvu de cause légitime, et que conformément aux dispositions contractuelles, il convenait de prononcer la résolution de l’acte de vente sous seing privé aux torts des acquéreurs (et on des vendeurs) en faisant application de la clause pénale conventionnelle mise à leurs charges pour un montant de 33 500 €.

La Cour d’appel a enfin considéré que les acquéreurs avaient perdu une chance de pouvoir acquérir un bien totalement sain, et que cette chance était perdue à hauteur de 95 % de sorte que l’agent immobilier devait être condamné à leur reverser une somme de 31 825 €.

Cette jurisprudence va dans le sens d’un renforcement des obligations de la responsabilité de l’agent immobilier et doit attirer leur vigilance sur la nécessaire lecture de l’ensemble des actes sans se fier au premier abord aux différents diagnostics.

Béatrice Bénichou- Médina – Notaire – Office Notarial Europole Presqu’île

Pour plus d’informations, vous pouvez la contacter beatrice.benichou-medina@notaires.fr

04.76.48.81.48

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