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26
Sep

Prescription des pouvoirs du maire en matière de constructions irrégulières

Saisi par le tribunal administratif de Montpellier sur le fondement de l’article L. 113-1 du code de justice administrative, le Conseil d’État a rendu un avis contentieux important en matière d’urbanisme, le 24 juillet 2025 (n°503768), relatif à la prescription applicable à la mise en demeure prévue à l’article L. 481-1 du code de l’urbanisme.

Depuis la création de cet article, le maire dispose d’un pouvoir de police administrative spéciale lui permettant, après constat d’infraction par procès-verbal, d’enjoindre à l’auteur de travaux irréguliers de régulariser sa situation. Cette régularisation peut consister soit à solliciter l’autorisation nécessaire, soit à remettre les lieux en l’état, éventuellement sous astreinte.

Toutefois, une incertitude subsistait : aucun délai n’était prévu pour encadrer l’exercice de cette prérogative. En effet, l’article L. 481-1 du code de l’urbanisme ne prévoit aucun délai de prescription, c’est-à-dire que le législateur n’avait pas précisé si le maire pouvait exercer cette prérogative sans limite de temps.

Pour pallier cette carence, la juridiction administrative de Montpellier a interrogé le Conseil d’État sur deux points précis.

  1. « Une prescription, qui s’inspirerait de la prescription civile prévue par l’article L. 480-14 du code de l’urbanisme, pourrait-elle s’attacher au pouvoir conféré à l’autorité administrative par l’article L. 481-1 du code de l’urbanisme, en vertu d’un principe général du droit ‘ et si oui, dans quelles conditions (durée et point de départ)
  1. Le cas échéant, comment s’articulerait cette prescription avec la prescription administrative prévue à l’article L. 421-9 du code de l’urbanisme. »

S’agissant de la première question, le Conseil d’État estime que les pouvoirs reconnus au maire par l’article L. 481-1 du Code de l’urbanisme ne peuvent être exercés que dans le délai de prescription de l’action publique. Il en résulte que ce pouvoir s’éteint à l’expiration d’un délai de six années révolues à compter « du jour où l’infraction a été commise, c’est-à-dire, en règle générale, de l’achèvement des travaux. »

L’avis précise à cet effet :

3. En subordonnant l’exercice des pouvoirs dont les articles L. 481-1 et suivants du code de l’urbanisme investissent l’autorité administrative compétente au constat préalable d’une infraction pénale par un procès-verbal dressé en application de l’article L. 480-1 du même code, le législateur, dont il résulte des travaux préparatoires qu’il a entendu doter cette autorité de moyens propres d’action en présence d’infractions commises en matière d’urbanisme, sans préjudice de l’engagement de poursuites pénales à l’encontre de leurs auteurs, doit être regardé comme ayant exclu que ces pouvoirs puissent être mis en œuvre pour remédier à une méconnaissance des règles relatives à l’utilisation des sols ou des prescriptions d’une autorisation d’urbanisme au-delà du délai de prescription de l’action publique. Conformément à l’article 8 du code de procédure pénale, s’agissant de faits susceptibles de revêtir la qualification de délits, et sous réserve de l’intervention d’actes interruptifs de la prescription, ce délai est de six années révolues à compter du jour où l’infraction a été commise, c’est-à-dire, en règle générale, de l’achèvement des travaux.

S’agissant de la deuxième question, en cas de travaux irréguliers successifs, la mise en demeure ne pourra porter que sur les travaux à l’égard desquels la prescription n’est pas acquise.

Toutefois, la demande de régularisation devra porter sur l’ensemble de la construction et l’administration devra tenir compte de la prescription administrative de dix ans prévus par l’article L.421-9 du code de l’urbanisme, qui dispose que :

« Lorsqu’une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou la décision d’opposition à déclaration préalable ne peut être fondé sur l’irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l’urbanisme. (…) » .

L’avis précise que :

4. Dans le cas où des travaux ont été successivement réalisés de façon irrégulière, seuls les travaux à l’égard desquels l’action publique n’est pas prescrite peuvent ainsi donner lieu à la mise en demeure prévue par l’article L. 481-1 du code de l’urbanisme. Pour apprécier si ces travaux peuvent faire l’objet d’une demande d’autorisation ou d’une déclaration préalable visant à leur régularisation, qui doit alors porter sur l’ensemble de la construction, l’autorité administrative compétente doit notamment tenir compte de l’application des dispositions de l’article L. 421-9 du code de l’urbanisme, qui prévoient que, lorsqu’une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou la décision d’opposition à déclaration préalable ne peut être fondé sur l’irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l’urbanisme, sous réserve, notamment, que cette construction n’ait pas été réalisée sans qu’aucun permis de construire n’ait été obtenu alors que celui-ci était requis. Si les travaux ne peuvent être ainsi régularisés, les opérations nécessaires à la mise en conformité, y compris, le cas échéant, les démolitions qu’elle impose, ne peuvent porter que sur ces travaux.

Référence : Conseil d’État, avis, 24 juillet 2025, n°503768