Dans un arrêt du 30 avril 2025, la CAA de Lyon a annulé le jugement du tribunal administratif de Grenoble n° 2100630 du 20 juin 2023, qui avait annulé la sanction disciplinaire d’exclusion temporaire de fonctions de six semaines dont deux avec sursis prononcée contre un agent du Centre Hospitalier Pierre Oudot.
La Cour rappelle dans un premier temps la définition de lanceur d’alerte issue de l’article 6 de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, à savoir « Un lanceur d’alerte est une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance. »
La protection légale du lanceur d’alerte est assurée si celui-ci respecte une procédure de signalement définie à l’article 8 de cette même loi, à savoir : « – Le signalement d’une alerte est porté à la connaissance du supérieur hiérarchique, direct ou indirect, de l’employeur ou d’un référent désigné par celui-ci. / En l’absence de diligences de la personne destinataire de l’alerte mentionnée au premier alinéa du présent I à vérifier, dans un délai raisonnable, la recevabilité du signalement, celui-ci est adressé à l’autorité judiciaire, à l’autorité administrative ou aux ordres professionnels. / En dernier ressort, à défaut de traitement par l’un des organismes mentionnés au deuxième alinéa du présent I dans un délai de trois mois, le signalement peut être rendu public. / II. – En cas de danger grave et imminent ou en présence d’un risque de dommages irréversibles, le signalement peut être porté directement à la connaissance des organismes mentionnés au deuxième alinéa du I. Il peut être rendu public. ».
En l’espèce, la Cour relève que « Les informations délivrées par ce dernier tant au maire de Bourgoin-Jallieu qu’à la presse, qui concernent d’éventuels dysfonctionnements au sein de l’établissement, ne peuvent être qualifiés d’alerte au sens de l’article 6 de la loi du 9 décembre 2016 précité, qui impose le signalement d’une violation grave et manifeste de la loi ou du règlement ou une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général. Au surplus, en l’espèce, aucun danger grave et imminent ou aucun risque de dommages irréversibles n’étant caractérisé, rien ne justifiait que les informations délivrées par M. B soient directement rendues publiques en vertu de l’article 8 de la même loi.
Par suite, c’est à tort que le tribunal a considéré que M. B était fondé à se prévaloir de la protection légale octroyée aux agents publics par les dispositions précitées et qu’il a déclaré nulle de plein droit la sanction édictée. »
Dans un second temps, sur la proportionnalité de la sanction prise par le Centre Hospitalier, la CAA de Lyon rappelle, en application de la méthode à suivre en matière de contentieux disciplinaire donnée par le célèbre arrêt Dahan du Conseil d’Etat (CE, 13 novembre 2013, n° 347704), que le juge administratif examine d’abord si les faits constituent des fautes de nature à justifier une sanction, puis si la sanction retenue est proportionnée à la gravité des fautes.
Pour ce faire, le juge tient compte non seulement de la faute, mais également du contexte général de l’affaire (comme par exemple l’absence ou l’existence d’antécédents, les appréciations sur la tenue de service…).
En l’espèce, le juge retient que :
« 10. En l’espèce, en révélant au public par l’intermédiaire du courrier adressé au maire de Bourgoin-Jallieu en août 2019 et dans un journal local en décembre 2019 des éléments relatifs au fonctionnement de l’EHPAD Delphine Neyret au sein duquel il était employé, M. B, qui ne conteste pas la teneur des propos formulés qui ont été de nature à perturber le bon fonctionnement du service et à entacher l’image de l’établissement, a manqué à l’obligation de discrétion professionnelle et au devoir de réserve, qui s’imposent à tous les agents publics. Ces faits sont constitutifs de fautes de nature à justifier légalement le prononcé d’une sanction disciplinaire.
11. Au regard de la nature des faits reprochés et des fonctions de l’agent et alors même que l’intéressé n’avait pas fait l’objet d’une précédente sanction disciplinaire, l’autorité disciplinaire n’a pas entaché la sanction d’exclusion temporaire de fonctions de six semaines dont deux avec sursis infligée à M. B de disproportion et n’a ainsi pas commis d’erreur d’appréciation.
12. Enfin, en sanctionnant un manquement à l’obligation de discrétion professionnelle et au devoir de réserve de M. B, le centre hospitalier Pierre Oudot n’a pas porté atteinte à la liberté d’expression ou la liberté d’opinion de ce dernier, garanties notamment par l’article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. »
En conclusion, la CAA de Lyon annule le jugement de première instance, et fait droit aux demandes du Centre Hospitalier Pierre Oudot, représenté par le cabinet.