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11
Juil

Des précisions utiles sur le régime de responsabilité issu de la jurisprudence Moya-Caville en matière d’accident ou maladie imputable au service

En droit, il est constant qu’il incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu’ils peuvent courir dans l’exercice de leurs fonctions. Leur responsabilité peut être recherchée à cet effet en présence ou en l’absence d’une faute.

Pour rappel, dans sa décision de principe de juillet 2003 dite « Moya-Caville », le Conseil d’État a été amené à préciser, d’une part, que le fonctionnaire qui a enduré, du fait d’un accident de service ou d’une maladie professionnelle, des souffrances physiques ou morales et des préjudices esthétiques ou d’agrément, peut obtenir de la collectivité qui l’emploie, même en l’absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l’atteinte à l’intégrité physique.

D’autre part, le Conseil d’Etat ajoutait que l’intéressé peut engager contre la collectivité une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l’ensemble du dommage, dans le cas notamment où l’accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ou à l’état d’un ouvrage public dont l’entretien incombait à celle-ci (CE, 4 juillet 2003, n° 211106).

En l’espèce, Mme C., épouse A, professeure des écoles, avait saisi le tribunal administratif de Grenoble aux fins d’obtenir la condamnation de l’Etat à lui verser la somme totale de 160 100,73 euros en réparation des préjudices qu’elle soutenait avoir subis du fait de la pathologie reconnue imputable au service dont elle a souffert à la suite d’un accident dont elle a été victime sur son lieu de travail en juin 1997.

Par un jugement du 19 novembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble condamnait l’Etat à verser à Mme C. une indemnité de 20 566 euros et rejetait le surplus de sa demande.

Sur appel de Mme C. et appel incident de l’Etat, la Cour administrative d’appel de Lyon a, par un arrêt du 19 janvier 2023, annulé l’article 1er de ce jugement et rejeté la demande présentée par Mme C. devant le tribunal administratif au motif tiré notamment du fait que : « 6.Le lien de causalité direct et certain entre le service et l’accident exigé en matière de responsabilité n’est pas identique au lien seulement direct caractérisant l’imputabilité au service d’un accident. En conséquence si, par son arrêt définitif du 16 février 2016, la cour a jugé que la pathologie dont s’est trouvé affectée l’intéressée à l’occasion de travaux de déménagement de la bibliothèque de l’école, y compris les complications sous forme de réaction algodystrophique apparues à la suite de l’intervention chirurgicale, devait être regardée comme imputable au service, ces motifs ne sauraient pour autant nécessairement s’imposer dans le cadre du présent litige indemnitaire. Il appartient donc ici à la cour de s’assurer que les complications algodystrophiques dont souffre Mme A… ont pour cause directe et certaine l’exercice de ses fonctions »

Saisi d’un pourvoi régularisé par Mme C, le Conseil d’Etat, après avoir rappelé le considérant de principe de sa jurisprudence Moya-Caville, précise que l’indemnisation, sur le fondement de la responsabilité sans faute, des préjudices subis du fait d’une maladie reconnue imputable au service, n’implique pas de nouvelle appréciation du lien entre la maladie et le service, mais seulement celle du caractère certain des préjudices invoqués et du lien direct entre ceux-ci et la maladie reconnue imputable au service :

« 4. Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que, pour annuler le jugement du tribunal administratif et rejeter la demande indemnitaire présentée par Mme C… au titre des préjudices patrimoniaux autres que ceux forfaitairement réparés par les prestations instituées par les articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et de ses préjudices personnels, la cour administrative d’appel de Lyon a jugé que celle-ci, invoquant une responsabilité pour risque, devait établir un lien de causalité direct et certain entre le service et la maladie dont elle a souffert, et non le lien seulement direct exigé pour que soit reconnue l’imputabilité de cette maladie au service. En statuant ainsi, alors que l’indemnisation, sur le fondement de la responsabilité sans faute, dans les conditions rappelées au point 3, des préjudices subis du fait d’une maladie reconnue imputable au service, n’implique pas de nouvelle appréciation du lien entre la maladie et le service, mais seulement celle du caractère certain des préjudices invoqués et du lien direct entre ceux-ci et la maladie reconnue imputable au service, la cour a commis une erreur de droit ».

Dans ces conditions, le Conseil d’Etat annule l’arrêt rendu par la Cour administrative d’appel de LYON et renvoie l’affaire devant cette même cour.

Référence : CE, 5 juin 2025, n° 472198