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25
Mai

La protection de la vie privée face aux fichiers automatisés

Lors des enquêtes, les fichiers automatisés peuvent être d’une aide considérable pour l’identification de l’auteur d’une infraction.

Le principe est simple : l’auteur d’un crime ou d’un délit fait l’objet d’un prélèvement (génétique ou palmaire) qui sera ensuite enregistré sur un fichier national. L’enquêteur pourra ainsi se référer à ce fichier pour identifier la personne recherchée.

L’utilité d’un tel fichier n’est pas à démontrer. Cependant, sous l’impulsion des juges de la Cour européenne des droits de l’homme, une telle collecte de données doit être assortie de garanties, tenant tant à la nécessité du prélèvement qu’à sa possibilité d’effacement.

La France, sur le fondement de l’article 8 de la Convention Européenne des droits de l’Homme, a été condamné par les juges européens pour violation de la vie privée.

Pour exemple, l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme du 22 juin 2017, AYCAGUER contre France, fait grief à la France d’avoir condamné à une amende de 500 € le justiciable refusant de se prêter à un prélèvement biologique destiné à être enregistré sur le Fichier National Automatisé des Empreintes Génétiques (FNAEG). Les juges de Strasbourg retiennent :

« Toutefois, de tels dispositifs ne sauraient être mis en œuvre dans une logique excessive de maximisation des informations qui y sont placées et la durée de leur conservation (…). Le droit interne doit notamment s’assurer que ces données sont pertinentes et non excessives par rapport aux finalités pour lesquelles elles sont enregistrées, et qu’elles sont conservées sous une forme permettant l’identification des personnes concernées pendant une durée n’excédant pas celle nécessaire aux finalités pour lesquelles elles sont enregistrées ».

Dès lors, le requérant, condamné à 2 mois d’emprisonnement intégralement assorti du sursis simple, devait faire l’objet d’une différence de traitement, concernant le relevé et la conservation de son ADN, par rapport aux auteurs des crimes les plus graves.

Fort de cette tendance européenne, le législateur et la jurisprudence ont pu faire évoluer le droit français et apporter des garanties essentielles pour les justiciables.

Dernièrement, nous pouvons porter une attention particulière à l’arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 10 avril 2018.

Dans cette affaire, une personne poursuivie pour dénonciation calomnieuse a fait l’objet d’un relevé d’empreintes digitales enregistré au Fichier Automatisé des Empreintes Digitales (FAED). Elle a par la suite formulé une demande d’effacement rejetée par le Procureur de la République, par le Juge des libertés et de la détention et par la Chambre de l’instruction, au motif que la personne n’apportait pas d’éléments justifiant l’effacement.

La Haute juridiction censure ce raisonnement au motif qu’il appartient au juge de s’assurer que le maintien au sein du fichier est justifié et permette ainsi de poursuivre son objectif qui est, somme toute, légitime. Dès lors, si le maintien au fichier n’est plus justifié, l’effacement doit être obtenu.

Deux remarques peuvent être apportées sur cette décision.

D’une part, une décision contraire aurait très certainement entrainée une nouvelle condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’Homme pour atteinte disproportionnée à la vie privée, le maintien de données dans le FAED pour dénonciation calomnieuse n’étant manifestement pas justifiée.

D’autre part, cette décision semble logique puisque qu’en cas contraire, le fait qu’il incomberait au justiciable de rapporter la preuve que ce maintien n’est plus nécessaire réduirait les probabilités d’obtenir l’effacement de telles données. Cela serait, encore une fois, à contre-courant de la jurisprudence européenne…

Un équilibre est donc indispensable entre les obligations de protection de la population et la nécessité de ne pas porter une atteinte disproportionnée à la vie privée des citoyens.

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