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25
Oct

PAIEMENT DU LOYER DU BAIL RENOUVELE ET ACCORD TACITE DU PRENEUR

Cass. 3ème ch. civ., 7 septembre 2022, n° 21-11.592)

Une société ayant une activité d’EHPAD, locaux à usage de maison de retraite, bénéficiait d’un bail commercial d’une durée de 11 ans et 9 mois.

Le bailleur a signifié au locataire un congé avec offre de renouvellement, puis l’a assigné en constatation du renouvellement du bail commercial.

Le congé avec offre de renouvellement était fixé au 30 septembre 2016.

Le bailleur a assigné ensuite son locataire pour le paiement de loyers dus à compter du 1er février 2019 jusqu’au 30 septembre 2025.

L’arrêt de la Cour d’appel d’Amiens du 22 octobre 2020 a fait droit aux demandes du bailleur.

La question qui était posée aux juridictions était la suivante.

Dès lors qu’à l’issue d’un bail de 11 années et 9 mois, un congé avec offre de renouvellement est délivré au locataire, sans que celui-ci ne réagisse tout en continuant à payer le loyer, est-ce qu’il se forme un nouveau bail ?

De quelle durée est ce bail ?

Reprend-il les mêmes clauses et conditions du bail expiré, y compris les clauses dérogatoires ?

A ces trois questions, les juridictions ont répondu de la façon suivante.

S’agissant du principe de renouvellement, l’article L 145-10 évoque la demande de renouvellement du preneur et le défaut de réaction du bailleur dans le délai de 3 mois.

Le texte de l’alinéa 4 de l’article L 145-10 prévoit qu’à défaut d’avoir fait connaître ses intentions dans ce délai, le bailleur est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent.

On peut appliquer ces mêmes dispositions au preneur qui ne répondrait pas dans le délai de           3 mois à un congé avec offre de renouvellement du bailleur, en considérant que passé le délai de 3 mois le principe du renouvellement est acquis.

S’agissant de la durée du bail renouvelé, l’article L 145-12 alinéa 1 est parfaitement clair : la durée du bail renouvelé est de 9 ans, sauf accord des parties pour une durée plus longue.

Cela veut dire qu’un bail de 11 années et 9 mois n’est renouvelé que pour une durée de 9 ans.

Reste à répondre à la question des clauses et charges du bail renouvelé de 11 ans et 9 mois en 9 ans.

Ce bail renouvelé d’une durée plus courte conserve-t-il le bénéfice ou la charge de clauses dérogatoires ?

En effet, en l’espèce, le bail de 11 ans et 9 mois prévoyait une clause interdisant la résiliation triennale par le preneur.

On ne peut comprendre l’arrêt que dans l’hypothèse (l’arrêt ne le dit pas explicitement) d’une résiliation triennale par le preneur de son bail, résiliation triennale non acceptée par le bailleur du fait de la clause dérogatoire.

L’article L 145-4 qui est d’ordre public (par application de l’article L 145-15) prévoit que dans un bail de 9 ans, le preneur a toujours la faculté de donner congé à l’expiration d’une période triennale.

Pour échapper à cette faculté, il faut donc prévoir un bail supérieur à 9 ans.

La faculté de résiliation triennale du bail commercial ne peut être exclue également pour les baux des locaux monovalents et les baux des locaux à usage exclusif de bureaux.

Or, en l’espèce, s’agissant d’une activité de maison de retraite, on peut considérer qu’il s’agit d’un bail de locaux monovalents.

En l’occurrence, la société locataire a soutenu ne pas avoir accepté les nouvelles conditions du bail et notamment l’acceptation non équivoque de la clause dérogatoire d’interdiction de résiliation triennale, bien qu’elle n’ait pas réagi au congé avec offre de renouvellement, continuant à payer le loyer identique à celui précédemment payé.

La Cour d’appel d’Amiens a considéré que ce faisant, le locataire avait accepté l’offre de renouvellement du bail, que celui-ci avait été renouvelé pour une durée ferme de 9 années.

L’arrêt énonce également que les locaux étant à usage de maison de retraite, ceux-ci doivent être qualifiés de locaux monovalents, ce qui permet de maintenir, malgré la durée de 9 ans du bail renouvelé, l’interdiction de résiliation triennale.

La Cour de cassation censure ce raisonnement.

Elle considère qu’à aucun moment la Cour, comme les juridictions du fond, n’ont pu constater le consentement du locataire à la clause dérogatoire lui interdisant toute faculté de résiliation triennale du bail, de sorte que rien ne peut l’empêcher de résilier de manière triennale le bail.

Il faut donc prendre garde aux conséquences de cet arrêt.

Le paiement du loyer d’un bail renouvelé peut valoir accord tacite sur le principe du renouvellement.

Il n’est en revanche pas certain que les clauses dérogatoires soient considérées comme ayant été acceptées, quand bien même on considère qu’un bail renouvelé intervient aux mêmes clauses et conditions.

Il y a donc matière à réflexion autour de cet arrêt et des principes qu’il dégage.

Jean-Luc Médina – Avocat associé
Pour plus d’informations, vous pouvez le contacter jl.medina@cdmf-avocats.com – 04.76.48.89.89

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