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09
Mar

LE PERMIS MODIFICATIF, ELEMENT REGULARISATEUR DES VICES DU PERMIS INITIAL

UN RETOUR A LA CONCEPTION ORIGINELLE POUR UNE APPLICATION DE PLUS EN PLUS EXTENSIVE …

Par un arrêt SCI Riviera Beauvert du 30 décembre 2015, le Conseil d’Etat vient réaffirmer sa définition, tout juste rappelée dans une précédente décision du 1er octobre 2015, sur la notion de permis de construire modificatif susceptible de régulariser les vices affectant la légalité du permis initial. Cette décision vient s’insérer dans un renouveau des débats sur la notion de permis modificatif, qui trouve en quelque sorte une consécration législative à la suite de l’insertion dans le Code de l’Urbanisme des articles L. 600- 5 et L. 600-5-1. Rappelons que ces articles dans leur rédaction actuellement en vigueur disposent : Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice n’affectant qu’une partie du projet peut être régularisé par un permis modificatif, peut limiter à cette partie la portée de l’annulation qu’il prononce et, le cas échéant, fixer le délai dans lequel le titulaire du permis pourra en demander la régularisation. (art. L. 600-5) Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé par un permis modificatif peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation. Si un tel permis modificatif est notifié dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. (art. L. 600-5-1) Toutefois, si ces articles, dans la rédaction nouvelle que leur a donnée l’Ordonnance n° 2013- 638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme, dite « Ordonnance Duflot », permettent effectivement au Juge Administratif de limiter les effets de l’annulation d’un permis de construire dès lors que le vice affectant une partie du projet peut être régularisé par un permis modificatif ou bien surseoir à statuer dans l’attente de la régularisation du vice par un permis modificatif, la question de fond qui demeure posée est bien celle de l’absence d’une quelconque définition de la notion de permis modificatif dans le Code. C’est donc au Juge qu’il revient de définir les contours de ce permis modificatif qui pourrait faire obstacle à l’annulation totale du permis de construire entaché d’illégalité. Le permis modificatif : une notion déjà ancienne Il importe, en effet, de rappeler que la notion de permis modificatif est exclusivement d’origine jurisprudentielle. C’est dans un arrêt de principe Le Roy du 26 juillet 1982 (n° 23604) que le Conseil d’Etat avait rappelé qu’un permis de construire en cours de validité pouvait faire l’objet d’un permis modificatif dès lors que les modifications projetées étaient sans influence sur la conception générale du projet initial. – 2/3 – A la suite, diverses décisions ont été rendues pour rappeler notamment qu’un permis modificatif ne pouvait pas être exigé dès lors que les travaux autorisés par le permis de construire initial étaient achevés (CE 23-09-1988, Société Les Maisons Goëland : n° 72387), mais aussi pour préciser qu’en cas de recours contentieux contre un permis de construire, le permis modificatif pouvait régulariser le vice allégué et ainsi rendre le moyen inopérant : le moyen tiré d’une violation par un permis initial des règles fixées en matière de hauteur des constructions par le Plan d’Occupation des Sols ne peut être accueilli dès lors que le permis modificatif délivré postérieurement assure le respect de ces règles (CE 9-12-1994, SARL Séri : n° 116447). Une conception de plus en plus restrictive au fil du temps … Toutefois, par une décision SA D’HLM Le Nouveau Logis Centre Limousin du 28 juillet 1999 (n° 182167), le Conseil d’Etat rappelait qu’un permis modificatif ne devait non seulement pas remettre en cause la conception générale du projet, mais ne pouvait avoir d’incidence sur l’implantation des bâtiments et leur hauteur. Poursuivant sa construction du « recours contrôlé » au permis modificatif de régularisation des vices affectant un permis initial, le Conseil d’Etat considère, dans sa décision M. Andrieu et Mme Perrée du 4 octobre 2013 (n° 358401), que le recours au permis modificatif ne peut être légal que si les modifications ne remettent en cause ni la conception générale du projet, ni l’implantation des constructions et que, de surcroît, les modifications sont de caractère limité. Les trois conditions devant s’analyser de manière cumulative. Une conception en contradiction avec la volonté affirmée du Législateur de limiter les effets du contentieux de l’urbanisme en généralisant le recours au permis modificatif « de régularisation » Cette restriction du champ du permis modificatif semblait en quelque sorte en contradiction avec l’évolution législative résultant de l’Ordonnance du 18 juillet 2013 qui vise inversement à étendre le recours au permis modificatif, le cas échéant par le biais d’un moyen soulevé d’office par le Juge lequel n’est pas tenu à la présentation de conclusions spécifiques des parties en ce sens (voir CE 15-10-2014, SCI des Fins et Commune d’Annecy : n° 359175- 359182), pour régulariser les éléments illégaux d’un projet autorisé par un permis de construire ayant fait l’objet d’un recours devant la Juridiction. C’est ainsi que, par une première décision remarquée Commune de Toulouse en date du 1er octobre 2015 (n° 374338), le Conseil d’Etat est revenu à la conception d’origine du permis modificatif pour rappeler que « si l’application [des dispositions de l’article L. 600-5 du Code de l’Urbanisme] n’est pas subordonnée à la condition que la partie du projet affectée par ce vice soit matériellement détachable du reste de ce projet, elle n’est possible que si la régularisation porte sur des éléments du projet pouvant faire l’objet d’un permis modificatif ; qu’un tel permis ne peut être délivré que si, d’une part, les travaux autorisés par le permis initial ne sont pas achevés – sans que la partie intéressée ait à établir devant le Juge l’absence d’achèvement de la construction ou que celui-ci soit tenu de procéder à une mesure d’instruction en ce sens – et si, d’autre part, les modifications apportées au projet initial pour remédier aux vices d’illégalité ne peuvent être regardées, par leur nature ou leur ampleur, comme remettant en cause sa conception générale ; qu’à ce titre, la seule circonstance que ces modifications portent sur des éléments telles que son implantation, ses dimensions ou son apparence ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce qu’elle fasse l’objet d’un permis modificatif ». Il ressort clairement de ce considérant que c’est moins la nature de la modification projetée qui doit être prise en considération que l’impact des changements envisagés sur l’économie – 3/3 – générale du projet ce qui permet ainsi de s’affranchir des contraintes issues des décisions antérieures du Conseil d’Etat relatives à l’absence d’impact sur l’implantation du projet, ses dimensions ou même son apparence, dans le cas de modifications qui ne seraient pas de caractère limité. Dans sa décision du 30 décembre 2015, et conformément aux conclusions de son Rapporteur Public, Monsieur Jean LESSI, le Conseil d’Etat vient conforter la précédente décision Commune de Toulouse du 1er octobre 2015 et réaffirmer, de manière explicite, le principe selon lequel un permis modificatif peut remédier aux vices d’illégalité du permis initial pour autant que les modifications apportées, par leur nature ou leur ampleur, ne remettent pas en cause la conception générale du projet initial, précisant qu’à ce titre, « la seule circonstance que ces modifications portent sur des éléments tels que son implantation, ses dimensions ou son apparence ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce qu’elle fasse l’objet d’un permis modificatif ». Dans les circonstances de l’espèce, le Conseil d’Etat retient que la Cour Administrative d’Appel de MARSEILLE a commis une erreur de droit en estimant que la méconnaissance par le permis de construire initial d’une règle d’implantation par rapport aux limites séparatives ne pouvait faire l’objet d’une régularisation par un permis modificatif, dans le cadre de l’application des dispositions de l’article L. 600-5 ou de l’article L. 600-5-1 du Code de l’Urbanisme, dès lors que la régularisation de ce vice aurait conduit à un déplacement de l’implantation de la construction projetée d’au moins 4 mètres, car, en statuant ainsi, la Cour n’a pas recherché si cette régularisation était de nature à remettre en cause la conception générale du projet. Or, dans ce dossier, le permis de construire attaqué, délivré par le Maire de MENTON à la SCI RIVIERA BEAUVERT le 9 avril 2010, autorisait la réalisation d’un ensemble immobilier composé de trois bâtiments comprenant des bureaux, des commerces, 117 logements et trois niveaux de sous-sol pour des parkings, et ce n’est seulement que sur l’un des points de la construction que la règle d’implantation n’était pas respectée. C’est seulement le raisonnement poursuivi par la Cour qui est donc censuré par le Conseil d’Etat, dès lors que celle-ci ne s’est pas interrogée sur le fait de savoir si la modification de l’implantation de cette partie de la construction était de nature à remettre en cause l’économie générale du projet initial. Le Conseil d’Etat ne se prononce d’ailleurs pas sur le fait de savoir s’il y a atteinte ou pas à l’économie générale du projet puisqu’après annulation de l’arrêt de la Cour Administrative d’Appel de MARSEILLE du 5 décembre 2013, l’affaire est renvoyée pour un nouvel examen devant la Cour. En tout cas, cette nouvelle décision du Conseil d’Etat met clairement en évidence la volonté affirmée du Juge Administratif de faire évoluer son office dans une vision pragmatique et de faire l’application la plus large possible des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du Code de l’Urbanisme lorsque celle-ci est possible, pour éviter l’annulation systématique des permis de construire quel que soit le motif d’illégalité.

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