(Cass. 3e civ., 16 octobre 2025, n° 23-23.834)
L’arrêt porte sur un litige opposant la société Monoprix, locataire, à la SCI Foch, bailleresse de locaux commerciaux loués depuis le 1er octobre 2001.
En 2014, la bailleresse délivre un congé avec offre de renouvellement. Le bail renouvelé prend effet au 1er octobre 2014.
Par un arrêt définitif du 21 janvier 2021, le loyer du bail renouvelé a été déplafonné, la durée du bail expiré ayant dépassé douze ans en raison de la tacite prolongation.
L’article L145-34 alinéa 3 du Code de commerce exclut la règle du plafonnement du loyer lorsque par l’effet d’une tacite prolongation la durée du bail excède douze ans.
Cependant est-ce que dans cette hypothèse le preneur bénéficie de la règle édictée par l’article 145-34 alinéa 4 du Code de commerce qui plafonne les augmentations à 10 % par an du loyer acquitté au cours de l’année précédente ?
Sur ce fondement, la SCI assigne Monoprix en référé pour obtenir une provision sur les loyers et intérêts dus.
Monoprix réplique en invoquant le dernier alinéa de l’article L. 145-34 du Code de commerce, qui limite à 10 % par an l’augmentation du loyer issue d’un déplafonnement.
La locataire soutient que cette limitation s’applique dans toutes les hypothèses de déplafonnement, y compris lorsque celui-ci résulte de la tacite prolongation au-delà de douze ans.
La Cour d’appel d’Aix-en-Provence rejette cet argument : selon elle, le mécanisme du « +10 % par an » ne concerne que deux situations :
- la modification notable des quatre premiers éléments de la valeur locative (L. 145-33),
- les baux dont la durée contractuelle initiale est fixée à plus de neuf ans.
Il ne s’applique pas lorsque le bail de neuf ans s’est simplement prolongé tacitement jusqu’à excéder douze ans.
Saisie du pourvoi, la Cour de cassation confirme cette analyse.
Elle rappelle que :
le plafonnement légal (indice ILC/ILAT) cesse automatiquement lorsque la tacite prolongation conduit à une durée totale supérieure à douze ans (L. 145-34, al. 3).
Dans ce cas, le bail est librement déplafonné, sans que la hausse soit limitée à 10 % par an.
Ce mécanisme du « tunnel de 10 % » ne vise que les déplafonnements fondés sur une modification notable des éléments mentionnés aux 1 à 4 de l’article L 145-33 du Code de commerce.
La Cour constate que le bail Monoprix avait duré plus de douze ans au 1er octobre 2014 par la seule tacite prolongation.
Elle en déduit que Monoprix ne peut prétendre au plafonnement annuel de 10 %.
Le pourvoi est donc rejeté.
Cet arrêt confirme une jurisprudence constante : la tacite prolongation au-delà de douze ans entraîne un déplafonnement total, sans limitation annuelle, renforçant la position des bailleurs dans les baux anciens.
Cela appelle la vigilance des locataires qui ont tendance à laisser perdurer leurs baux par tacite prolongation.
Jean-Luc Médina – Avocat associé
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