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20
Nov

DEFAUT DE PERFORMANCE ENERGETIQUE ET GARANTIE DECENNALE

(Cass. 3e civ., 23 octobre 2025 n° 23-18.771)

Dans cet arrêt d’une grande densité, la Cour de cassation revient sur deux questions essentielles : les contours de l’impropriété à destination en matière de performance énergétique et les exigences tenant à la réparation de la perte de chance imputable au diagnostiqueur.

L’affaire oppose un vendeur-constructeur à ses acquéreurs, lesquels, découvrant une superficie moindre et une isolation défaillante, sollicitent réparation tant contre le vendeur que contre le diagnostiqueur et son assureur.

La Cour d’appel avait retenu la responsabilité décennale du vendeur, estimant que l’insuffisance d’isolation rendait la maison impropre à sa destination dès lors que certaines pièces ne pouvaient être chauffées qu’au prix de dépenses énergétiques importantes.

La Haute juridiction rappelle ici fermement le cadre posé par la loi de 2015 : en matière énergétique, l’impropriété ne peut être caractérisée que si le bâtiment ne peut être utilisé qu’à un coût exorbitant, non au seul regard d’une gêne ou de factures élevées.

Il convient de rappeler que l’article L 123-2 du Code de la construction et de l’habitation a défini la notion d’impropriété à la destination, à savoir :

« toute condition d’usage et d’entretien prise en compte et jugée appropriée, à une surconsommation énergétique ne permettant l’utilisation de l’ouvrage qu’à un coût exorbitant. »

En omettant de vérifier ce seuil normatif, la Cour d’appel prive sa décision de base légale. Le rappel est sévère mais précis : l’impropriété énergétique obéit à une définition autonome et exigeante, évitant que tout défaut d’isolation, même sensible, ne bascule mécaniquement dans la décennale.

La Cour adresse ensuite une autre mise au point, cette fois au sujet de la perte de chance imputée au diagnostiqueur.

La Cour d’appel avait accordé une indemnité au titre de la possibilité perdue de négocier le prix à la baisse.

Or, la réfection complète de l’isolation ordonnée à la charge du vendeur replaçait les acquéreurs dans la situation où ils se seraient trouvés si l’immeuble avait été conforme.

La disparition d’une éventualité favorable n’était donc ni certaine, ni actuelle. La Cour casse logiquement, rappelant que la perte de chance n’est réparable que lorsqu’elle représente la privation d’un avantage réel et objectivement meilleur que la situation obtenue après réparation.

Les deux principes se rejoignent : exigence de rigueur dans la qualification des désordres comme dans l’évaluation du préjudice. La cassation partielle renvoie l’affaire devant la Cour d’appel de Rouen, invitée à revisiter l’ensemble de ces questions à la lumière d’une conception resserrée de l’impropriété énergétique et d’une appréciation exigeante de la perte de chance.

Cet arrêt s’inscrit dans une ligne jurisprudentielle visant à contenir l’extension mécanique des responsabilités, en rappelant que le droit de la construction comme celui du diagnostic ne doivent céder ni à la facilité, ni à l’automaticité.

Béatrice Bénichou- Médina – Notaire – Office Notarial Europole Presqu’île

Pour plus d’informations, vous pouvez la contacter beatrice.benichou-medina@notaires.fr

04.76.48.81.48