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29
Juil

Suspension des loyers commerciaux du fait de la crise sanitaire

Dans le cadre de la pandémie COVID-19, l’état d’urgence sanitaire a été instauré en France du 12 mars 2020 au 10 juillet 2020 par ordonnance n°2020-290 du 23 mars 2020.

L’ordonnance n°2020-307 du 25 mars 2020 traite du paiement des loyers et charges dont l’échéance intervient entre le 12 mars 2020 et le 10 juillet 2020.

Un éventuel impayé des loyers et charges durant la période du 12 Mars au 10 Septembre 2020 ne peut faire l’objet des sanctions habituelles en cette matière.

L’ordonnance exclut toute pénalité financière, intérêts de retard, dommages et intérêts, astreinte, exécution de la clause résolutoire, clause pénale ou toute autre clause prévoyant une déchéance, ou activation de garantie ou caution.

L’ordonnance du 25 mars 2020 n’autorise nullement les locataires commerçants à s’abstenir du paiement de leurs loyers.

Pour vous voir bénéficier de cette absence de sanction en cas de défaut de paiement, il faut soit :

  • faire l’objet d’une mesure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire,
  • cumuler toutes les conditions suivantes :
  • avoir débuté son activité avant le 1er février 2020,
  • ne pas avoir déposé de déclaration de cessation de paiement au 1er mars 2020,
  • avoir un effectif salarié inférieur ou égal à 10,
  • avoir un chiffre d’affaires annuel hors taxes inférieur à 1 million d’euros lors du dernier exercice clos ou si aucun exercice n’a encore été clos, un chiffre d’affaires moyen mensuel de 83 333 €,
  • être une personne physique ou dirigeant de personne morale sans contrat de travail à temps complet ou bénéficiaire d’une pension de vieillesse ou d’indemnités journalières de plus de 800 € entre le 1er et le 31 mars 2020, la personne morale ne doit pas être contrôlée par une société holding et ne pas avoir été en difficulté au 31 décembre 2019 au sens de l’article 2 du règlement de la commission du 17 juin 2014 (notamment perte de plus de la moitié du capital social ou liquidation judiciaire),
  • et bénéficier de l’une des deux conditions suivantes :
  • avoir eu son établissement fermé selon arrêté intervenu entre le 1er et le
    31 mars 2020 ou,
  • avoir subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 50 % durant la période comprise entre le 1er et le 31 mars 2020.

Ces textes ne sont pas protecteurs pour les échéances impayées qui seraient intervenues avant le 12 mars 2020 ou postérieurement au 10 septembre 2020.

Les bailleurs doivent émettre les avis d’échéance à la date normale en effectuant les relances nécessaires dès lors qu’aucun des textes n’a prévu l’annulation pure et simple des loyers durant cette période.

Sur le plan pratique, les locataires ont négocié un étalement des loyers dus durant la période du 12 mars au 10 juillet 2020 soit à l’amiable une annulation totale ou partielle.

Certains locataires ont vu cependant leurs locaux interdits d’accueil du public jusqu’au 11 mai 2020 par application d’un arrêté publié le 15 mars 2020.

Un certain nombre de ces locataires ont invoqué la force majeure et l’exception d’inexécution en invoquant le fait que la bailleresse ne pouvait plus assurer à sa locataire l’exploitation de ses locaux. Entre le 15 Mars et le 11 Mai 2020.

Conformément à l’article 1719 du Code civil, un bailleur a deux obligations essentielles :

– délivrer à son locataire les locaux pour l’usage auquel ils sont destinés,

– assurer à son locataire la jouissance paisible de ses locaux.

Il s’agit d’obligations d’ordre public auxquelles le bailleur ne peut échapper

Suite aux mesures prises par le gouvernement contre la propagation du virus Covid-19, la plupart des locaux ont vu leur accès interdit au public.

Mais dans un certain nombre de cas le texte permettait expressément, notamment pour les magasins de vente et centres commerciaux, les activités de livraison et de retraits de commandes.

Pendant cette période, peut-on pour autant affirmer que le bailleur n’était plus en état d’assurer à son locataire l’exploitation de ses locaux pour l’usage auquel ils étaient destinés et qu’il ne pouvait plus lui garantir la jouissance paisible desdits locaux.

Rien n’est moins sûr.

Pour les contrats conclus avant le 1er octobre 2016, la jurisprudence avait déjà consacré le principe de l’exception d’inexécution dans tous les contrats synallagmatiques.

Ce principe s’applique notamment aux contrats de bail :

« L’interdépendance des obligations réciproques résultant d’un contrat synallagmatique comme le bail, permet à l’une des parties de ne pas exécuter son obligation lorsque l’autre n’exécute pas la sienne […], en conséquence le preneur est fondé à refuser le paiement de loyer dès lors que le bailleur refuse les réparations nécessitées par l’état des lieux

Il est précisé que, pour les contrats conclus postérieurement au 1er octobre 2016, le principe de l’exception d’inexécution a été codifié à l’article 1219 du Code civil qui dispose : « une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave ».

L’exception d’inexécution a été retenue lorsque le bailleur ne respecte pas son obligation de délivrance et jouissance paisible.

L’obligation principale pesant sur le locataire est de verser son loyer et celle pesant sur le bailleur est de délivrer des locaux conformes à la destination du bail. En conséquence, lorsque l’obligation de délivrance du bailleur n’est pas exécutée, le locataire peut arrêter de verser le loyer et les charges.

Le bailleur n’est certes pas responsable de l’arrivée et la propagation d’une pandémie.

Il n’en demeure pas moins qu’on peut s’interroger sur l’application de l’exception d’inexécution d’autant que la faute de l’autre partie n’est pas une condition de mise en œuvre de l’exception d’inexécution.

Si l’absence de faute du bailleur lui permet d’échapper au paiement de dommages et intérêts puisqu’il n’est pas responsable de la fermeture du local. En revanche, cela ne lui permettrait pas de s’opposer à l’exception d’inexécution pour réclamer un loyer et des charges qui n’ont pas de contrepartie.

Par ailleurs, l’exception d’inexécution peut être opposée lorsque l’inexécution est imputable à la force majeure et notamment, comme c’est le cas en l’espèce, à un empêchement résultant de dispositions législatives ou réglementaires

Pour résumer la situation, en raison d’un cas de force majeure, la bailleresse n’est plus en mesure de délivrer des locaux à son locataire et de lui assurer une jouissance paisible sur la période du 15 mars au 11 mai 2020. Le locataire invoque l’exception d’inexécution et se trouverait donc fondée à ne pas payer de loyers pendant cette période, puisque la bailleresse ne lui a pas délivré des locaux conformes à la destination du bail.

Quelques procédures ont été engagées et plaidées devant le juge des référés saisi par le bailleur en réaction à certains locataires, qui, d’autorité ont suspendu unilatéralement leur règlement allant même jusqu’à solliciter un aménagement des clauses contractuelles du bail.

On attend les premières décisions qui doivent être rendues sur le sujet (Tribunal d’Annecy en attente d’une décision au 7 septembre prochain).

Une médiatrice nommée par le Ministre de l’Economie a pu aboutir à une charte de bonne pratique aux termes de laquelle les bailleurs acceptent de reporter trois mois de loyer (deux au titre du confinement et un correspondant à un prorata des quatre mois de reprise jusqu’au 30 septembre).

Les parties sont incitées à aboutir et à négocier un accord à se rencontrer pour faire le point entre le 1er juin et le 1er octobre.

Il est prévu à titre exceptionnel dans la charte que les locataires les plus fragiles dans l’analyse de la situation financière et qui montreraient la plus grande vulnérabilité pourraient bénéficier à l’amiable d’un quantum de franchise de loyer.

En résumé, comme on dit dans le jargon populaire, un bon accord vaut mieux qu’un mauvais procès.

Ce dicton n’a jamais été aussi pertinent sur ce sujet en cette période.

Jean-Luc Médina – Avocat associé

Pour plus d’informations, vous pouvez le contacter jl.medina@cdmf-avocats.com – 04.76.48.89.89

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