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28
Nov

Procédure collective du locataire

La procédure collective (dépôt de bilan dans le langage courant) du locataire est souvent considérée comme un cauchemar pour le bailleur de locaux commerciaux. Celui-ci comprend très vite que le règlement des loyers va poser problème tant pour l’arriéré que pour le règlement des loyers futurs. Ce droit est complexe et il entraine souvent des erreurs de la part de juristes, avocats ou juges.

  1. La créance du bailleur

L’ouverture d’une procédure collective impose au bailleur dont la créance est née antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure collective de déclarer sa créance dans un délai de deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au BODACC au mandataire ou au liquidateur judiciaire.

En cas d’oubli de cette déclaration, la créance ne sera pas éteinte mais le bailleur ne pourra s’en prévaloir au cours de cette procédure collective. Il lui restera néanmoins la possibilité d’engager une action en relevé de forclusion devant le juge commissaire.

  1. Le paiement des loyers
  • Loyers antérieurs au jugement d’ouverture de la procédure collective

Le bailleur bénéficie d’un privilège pour les deux dernières années de loyer avant le jugement d’ouverture de la procédure. Ce privilège porte sur le prix de tous les meubles garnissant les lieux loués, ce qui lui donne une priorité dans le règlement de sa créance.

  • Loyers postérieurs au jugement d’ouverture

Les loyers postérieurs au jugement d’ouverture doivent être payés à leur échéance. En cas d’impayé, ils bénéficieront d’un rang privilégié par rapport à d’autres créances et seront payés après les salaires et les frais de justice.

  1. La poursuite et la résiliation du bail commercial

L’ouverture d’une procédure collective n’entraîne pas de plein droit la résiliation du bail. Le locataire peut donc poursuivre son activité malgré un arriéré de loyers antérieurs à l’ouverture de la procédure collective.

Le bailleur, l’administrateur ou le liquidateur judiciaire peuvent en demander la résiliation mais dans des conditions différentes.

S’agissant de l’administrateur ou du liquidateur ou du locataire lui-même en cas d’absence de désignation d’administrateur, les textes des articles L. 622-13 et L. 622 du Code de commerce leur permettent de résilier le bail à tout moment en le notifiant par lettre recommandée avec accusé de réception ou par acte extrajudiciaire.

La résiliation du bail est alors de plein droit après un simple avis conforme du mandataire judiciaire. Cette résiliation du bail commercial intervient donc sans préavis dès lors que le bailleur en est informé.

Afin d’éviter que le bailleur ne reste dans une période d’incertitude, il lui est permis de mettre en demeure son locataire de prendre une décision sur la poursuite du contrat de bail. La mise en demeure fait courir un délai d’un mois à l’expiration duquel l’absence de réponse vaut résiliation de plein droit du contrat, cette mise en demeure adressée par le bailleur au locataire n’est que facultative et non obligatoire. Le juge des référés du Tribunal de grande instance de Grenoble vient lui-même de considérer que cette formalité était obligatoire par un Ordonnance du 3 octobre 2018, l’affaire est portée devant la cour d’appel de Grenoble qui ne manquera  pas en logique de réformer cette décision.

Le bailleur peut également demander la résiliation du bail mais dans des conditions très encadrées.

Il faut notamment que le locataire soit défaillant dans le paiement des loyers et des charges.

Deux conditions sont nécessaires :

  • Les loyers et charges impayés doivent s’étaler sur une période postérieure au jugement d’ouverture,
  • Aucune action en résiliation ne peut être entamée avant que ne s’écoule un délai de trois mois à compter du jugement d’ouverture de la procédure.

Doit-il dénoncer la procédure au mandataire judiciaire (ancien représentant des créanciers) ?

Le commandement de payer visant une clause résolutoire d’un bail commercial n’a pas à être notifié aux créanciers inscrits. Le mandataire judiciaire n’a pas à être mis en cause dans une procédure portant sur des loyers échus après le jugement d’ouverture. La Cour de cassation l’a rappelé dans un arrêt du 16 mars 2017

Il convient de rappeler que l’article L. 631-1 et, plus particulièrement de l’article L. 622-23 du code de commerce,  impose que le mandataire judiciaire ait été mis en cause avant que des actions en justice et des procédures d’exécution soient poursuivies au cours de la période de redressement judiciaire à l’encontre du débiteur. Mais la Cour de cassation  considère que dès lors que le commandement de payer et l’assignation en référé visent des loyers échus après le jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, les dispositions de l’article L. 622-23 du code de commerce n’ont donc pas vocation à s’appliquer.

Et pourtant une ordonnance de référé du 12 Juillet 2018 du Tribunal de grande instance de Grenoble exige la présence du mandataire judiciaire …..

S’agissant de la procédure de  liquidation judiciaire, la demande de résiliation pour défaut de paiement du loyer ou des charges ne peut aboutir que pour des impayés antérieurs au jugement de liquidation judiciaire, mais l’action ne pourra être engagée qu’au bout de trois mois après l’ouverture de la procédure collective.

Le bailleur a également la possibilité de demander la résiliation du bail, pour des motifs antérieurs au jugement d’ouverture de la procédure, mais autres que le non-paiement des loyers et des charges (exemple : défaut d’assurance ou d’entretien des lieux loués). En ce cas, il doit agir en justice dans les trois mois du jugement de liquidation judiciaire.

Il convient de préciser pour la bonne règle qu’une procédure d’expulsion ne peut être engagée à l’encontre d’un locataire que lorsque que la décision d’un juge est exécutoire et définitive.

En général, en cas de loyer impayé, les bailleurs engagent des procédures rapides en référé devant le Tribunal de Grande Instance, en se fondant sur la clause résolutoire figurant au bail.

Or, cette décision de référé qui peut prononcer l’expulsion, bien qu’elle soit exécutoire de plein droit, ne peut être exécutée que lorsqu’elle acquiert un caractère définitif. Dès lors qu’un jugement d’ouverture de procédure collective est prononcé avant l’expiration du délai d’appel de l’ordonnance de référé, la procédure d’expulsion ne peut être engagée et est paralysée par la procédure collective.

  1. Cession ou modification de l’activité

La procédure collective peut entraîner une cession totale ou partielle de l’entreprise, laquelle peut comprendre le bail commercial.

Le Tribunal peut également décider d’adjoindre une ou plusieurs activités nouvelles au bail et cette décision s’imposera au bailleur lequel ne pourra faire valoir les stipulations qui lui sont favorables en matière de déspécialisation.

Le sort d’un bail commercial dans le cadre d’une procédure collective est un chemin parsemé d’embûches pour le bailleur. La nécessité d’une déclaration de créance, l’intervention de différents mandataires à géométrie variable selon la taille de l’entreprise, les dispositions d’ordre public de la procédure collective qui s’imposent au droit des baux commerciaux rendent la relation entre le bailleur et le locataire, notamment pour le recouvrement des loyers, extrêmement compliquée.

Mais c’était bien le but recherché par le législateur, la philosophie du droit des procédures collectives est de favoriser le redressement des entreprises afin de sauvegarder les emplois. Le bailleur, même s’il détient des privilèges et garanties, fait partie des sacrifiés sur l’autel du nécessaire redressement des entreprises.

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