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06
Jan

Le double apport de la décision SNC Sarcelles Investissement

Dans un arrêt de principe du 31 mars 2022, était en cause les travaux de création d’une ligne de tramway, dont l’établissement public Syndicat des transports d’Ile-de-France avait confié la maitrise d’ouvrage au Conseil général du Val-d’Oise. Le tracé de cette ligne traversait notamment le territoire de la commune de Sarcelles, de sorte que ces travaux ont nécessité le dévoiement de réseaux situés sous la voirie de cette commune, et notamment le réseau de chauffage installé par la société Sarcelles Investissements et exploité par la société Sarcelles Energie. En application d’un protocole signé entre la société Sarcelles Investissements et le département du Val-d’Oise, ce dernier a procédé à ses frais aux travaux de dévoiement des réseaux en cause. Par la suite, il a émis à l’encontre de la société Sarcelles Investissements, un titre exécutoire en vue du remboursement du coût de ces travaux.

Le Conseil d’Etat devait donc connaitre du pourvoi en cassation dirigé contre l’arrêt de la Cour administrative d’appel de VERSAILLES, laquelle confirmait le jugement du Tribunal administratif de CERGY PONTOISE, en ce qu’il annulait le titre exécutoire du département du Val d’Oise.  

Sur la problématique très technique du dévoiement des réseaux aux frais de l’occupant du domaine public, le Conseil d’Etat relève qu’en l’espèce, la société Sarcelles Investissements était titulaire d’une servitude de droit privé.

Le Conseil d’Etat a estimé toutefois que « le titulaire d’une servitude de droit privé permettant l’implantation d’ouvrages sur le terrain d’une personne publique, maintenue après son incorporation dans le domaine public, doit être regardé comme titulaire d’une autorisation d’occupation du domaine à raison de ces ouvrages, quand bien même il n’acquitterait pas de redevance à ce titre. Par suite, il doit supporter les frais de déplacement des ouvrages implantés à raison de cette servitude, pour permettre l’exécution de travaux dans l’intérêt du domaine public et conformes à sa destination ».

En ce sens, le Conseil d’Etat fait écho à sa décision Syndicat mixte des transports en commun de l’agglomération grenobloise dans laquelle il avait jugé que le « bénéficiaire d’une autorisation d’occupation du domaine public, doit, quelle que soit sa qualité, supporter sans indemnité les frais de déplacement ou de modification des installations aménagées en vertu de cette autorisation lorsque ce déplacement est la conséquence de travaux entrepris dans l’intérêt du domaine public occupé et que ces travaux constituent une opération d’aménagement conforme à la destination de ce domaine » (CE 20 mars 2013, n° 352174).

En conséquence, le Conseil d’Etat annule l’arrêt de la Cour, affirmant qu’elle a commis une erreur de droit en jugeant que les frais des travaux de dévoiement des réseaux de chauffage ne pouvaient être mis à la charge de la société Sarcelles Investissements, dès lors que la redevance d’occupation du domaine public ne lui était pas réclamée à elle mais à la société exploitante lesdits réseaux.

Mais cet arrêt de principe est également important sur le plan du contentieux administratif.

En effet, avant la saisine du Tribunal administratif, la société requérante, entreprenant de faire annuler la créance, s’était en premier lieu tournée vers le juge judiciaire qui s’est déclaré incompétent en première instance, en appel puis en cassation.

Saisit de la question de la recevabilité de la requête, le Conseil d’Etat rappelle que le principe du délai raisonnable d’un an, issue de la jurisprudence dite Czabaj, s’applique aux titres exécutoires.

Ainsi, pour ces actes, le délai  raisonnable de recours « ne saurait excéder un an à compter de la date à laquelle le titre, ou à défaut, le premier acte procédant de ce titre ou un acte de poursuite a été notifié au débiteur ou porté à sa connaissance ».

De plus, il est de jurisprudence constante qu’un débiteur qui saisit la juridiction judiciaire, alors que la juridiction administrative était compétente, conserve le bénéfice de ce délai raisonnable dès lors qu’il a introduit cette instance avant son expiration. Il est donc recevable à saisir la juridiction administrative jusqu’au terme d’un délai de deux mois à compter de la notification ou de la signification de la décision par laquelle la juridiction judiciaire s’est, de manière irrévocable, déclarée incompétente.

Ce faisant, le Conseil d’Etat précise la notion de « jugement par lequel la juridiction judiciaire s’est déclarée incompétente », en prenant en compte, non pas le premier jugement rendu, mais le jugement irrévocable, c’est-à-dire insusceptible d’aucun recours, et ce malgré l’étirement du délai de recours que ce choix implique.  (CE, 31 mars 2022, n°453904)

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