L’article 770 du Code civil dispose que l’héritier qui a recelé des biens ou des droits de succession ou dissimulé l’existence d’un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l’actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. L’alinéa 2 précise que lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l’héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part.
L’héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu jouissance depuis l’ouverture de la succession.
Le recel successoral est donc une rupture de l’égalité du partage entre les héritiers.
En effet, certains héritiers peuvent être tentés de dissimuler certains biens dépendants d’une succession. Le tribunal judiciaire de Grenoble a fréquemment l’occasion de traiter de cette question.
Dans un jugement du 15 janvier 2024 (numéro RG 22/02765) il a rappelé que le recel successoral constituait tout acte, comportement ou procédé volontaire par lequel un héritier tente de s’approprier une part supérieure sur la succession que celle à laquelle il a le droit dans la succession du défunt et ainsi rompt l’égalité dans le partage successoral.
Le recel ne se présume pas et la dissimulation doit être volontaire.
Ainsi, lorsqu’un héritier prétend qu’un autre est receleur, il doit prouver ce recel c’est-à-dire l’existence d’une dissimulation mais également le fait que cette dissimulation est volontaire.
Dans une affaire traitée par le tribunal judiciaire de Grenoble, le tribunal a constaté par l’examen des relevés de comptes des défunts qu’un certain nombre de mouvements de fonds étaient intervenus de manière suspecte dont une partie de la fratrie était le bénéficiaire par le biais de donation dissimulée et sans explication crédible.
Pour tenter de s’opposer au caractère volontaire de la dissimulation, les héritiers à l’origine de la dissimulation ont argué que ces mouvements bancaires correspondraient à des présents d’usage conformément à l’article 852 du code civil.
Cet article du code civil prévoit que le caractère de présent d’usage s’apprécie à la date où il est consenti et tient compte de la fortune du disposant.
Il faut donc que ce présent d’usage soit d’une faible valeur ou d’une valeur qui correspond au moyen du débiteur et qu’il ait été consenti à l’occasion d’une circonstance particulière présentant un caractère social ou familial évident.
En l’occurrence, cette preuve n’était pas rapportée.
Le tribunal a constaté l’existence d’une vingtaine de virements bancaires en seulement vingt mois correspondant à la période du décès du père et de la mère de la fratrie.
Le tribunal a pu en déduire que le rythme de ces mouvements de fonds sur une période aussi restreinte apparaissait être en contradiction totale avec la nature même d’un présent d’usage l’objectif était de gratifier le bénéficiaire à l’occasion d’une circonstance particulière.
Au surplus, ce présent d’usage était totalement disproportionné par rapport au patrimoine des parents décédés.
Dès lors, les bénéficiaires de ces virements suspects ont été condamné à les rapporter à la succession sans pouvoir participer au partage de cette somme en leur qualité d’héritiers compte tenu du recel.
Le recel successoral sanctionne donc un comportement totalement déloyal et de mauvaise foi qui n’aboutit pas à une remise des sommes détournées dans le pot commun mais à une véritable sanction du receleur qui ne participe pas sur ces sommes détournées au partage.
Béatrice Bénichou- Médina – Notaire – Office Notarial Europole Presqu’île
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