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09
Juin

La parodie : une exception au droit d’auteur

Dans une affaire récente le Tribunal judiciaire de Rennes a statué sur une problématique d’exception de parodie au droit d’auteur.

La société détentrice des droits patrimoniaux de Hergé, avait constaté qu’un artiste-peintre offrait à la vente et commercialisait sur son site internet des peintures reproduisant et adaptant des personnages de l’oeuvre de Tintin au sein de tableaux d’inspiration du peintre américain Hopper.

Elle a assigné l’artiste sur le fondement de la contrefaçon ainsi que sur la concurrence déloyale et parasitaire.

Il est rappelé que le droit d’auteur protége les créations de l’esprit, à condition qu’elles soient originales. Toute exploitation d’une œuvre de l’esprit protégée, sans l’autorisation de l’auteur ou de ses ayants droit, est constitutive du délit de contrefaçon sanctionné par le Code de la propriété intellectuelle.

Cependant l’article L 122-5 du Code de la propriété intellectuelle prévoit un certain nombre d’exceptions parmi lesquelles « la parodie, le pastiche et la caricature, compte tenu des lois du genre ».

Cette exception illustre un des aspects du principe à valeur constitutionnelle de la liberté d’expression en droit d’auteur.

Pour être qualifiée de parodie, l’oeuvre seconde doit éviter tout risque de confusion avec l’oeuvre parodiée. Cette condition implique que l’œuvre originelle ne soit pas exactement copiée.

La parodie, la caricature ou le pastiche doivent avoir pour but de faire rire et ne pas nuire.

L’artiste-peintre a invoqué devant le Tribunal de Rennes cette exception au monopole du droit d’auteur, sans contester avoir reproduit et adapté sans autorisation les éléments principaux d’œuvres protégées des Aventures de Tintin.

Le Tribunal a considéré qu’il existait une distanciation suffisante avec l’oeuvre protégée de Hergé, en aucun cas l’oeuvre de Hergé ne pouvait être considérée comme dominante au sein des tableaux de l’artiste-peintre et dans l’esprit du public il est clair qu’il s’agissait d’une composition du peintre.

L’intention humoristique a été caractérisée par le Tribunal qui a notammant constaté que l’oeuvre austère de Hopper se trouvait réinterprétée dans un sens plus animé, plus vivant par l’inclusion de personnages (et de véhicules) notamment issus de l’oeuvre de Hergé qui venaient y vivre une relation sans doute teintée d’affection et d’attirance sexuelle. Ainsi que par l’incongruité de la situation au regard de la sobriété sinon la tristesse habituelle des oeuvres de Hopper.

Ainsi, les juges ont distingué l’intention humoristique du but critique qui est exprimé de façon divers par l’expression des émotions au sein des tableaux contrairement à l’œuvre de Hergé qui ne montre pas les émotions de Tintin.

La parodie exige une distanciation comique, un travestissement et ne doit pas porter une atteinte disproportionnée aux oeuvres de l’auteur.

Le Tribunal a considéré qu’il n’y avait pas de risque de confusion notamment les travestissements auxquels procède le peintre sont évidents et les oeuvres sont signées et vendues comme telles sous forme de tableaux acryliques sur toile ou reproduction de ces tableaux en format important se distinguant de la vignette de bande dessinée et des formats utilisés par Hergé.

Sur le terrain de la concurrence déloyale, le Tribunal a relevé que les activités commerciales, d’exploitation des produits dérivés de l’oeuvre de Hergé (figurines, puzzles, magnets et aimants, porte clés, miniatures…) par la société requérante sont bien distinctes du travail de la création artistique de l’artiste-peintre (toiles acryliques grand format et reproduction de ces toiles, vendues en galeries d’art) ne s’adressent pas à la même clientèle et ne sauraient de ce fait constituer une concurrence déloyale.

Sur les actes de dénigrement, le Tribunal a considéré que le fait que la requérante ait adressé des courriers à des tiers portant une appréciation péjorative sur le travail du peintre considéré comme concurrent de son exploitation des oeuvres de Hergé et ce avec une intention malveillante puisqu’elle lui reprochait des actes de contrefaçon et demandait le retrait de la commercialisation de ses œuvres, caractérisaient des actes de dénigrement.

TJ Rennes, 10 mai 2021, n° 17/04478

Nathalie Bastid – Avocate associée

Pour plus d’informations, vous pouvez la contacter bastidnathalie@gmail.com – 06.09.68.51.54

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