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13
Oct

Imputabilité des désordres et présomption de responsabilité des constructeurs

Dans son arrêt du 11 septembre 2025, la Cour de cassation vient rappeler la charge de la preuve incombant au maître d’ouvrage pour démontrer que la responsabilité des constructeurs peut être engagée.

En l’espèce, M. [P] [O] (le maître de l’ouvrage) a confié à M. [E] [O] (l’entrepreneur), assuré auprès de la caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles d’Oc (la société Groupama), des travaux d’électricité pour les besoins de la construction d’une maison d’habitation.

La réception des travaux est intervenue le 31 juillet 2014.

La maison a été détruite par un incendie le 9 décembre 2014. Après expertise judiciaire, le maître de l’ouvrage et son assureur multirisque-habitation ont assigné l’entrepreneur et son assureur en indemnisation de leurs préjudices sur le fondement de la responsabilité décennale.

Aux termes de l’article 1792 du Code civil :

« Tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination.

Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère. »

La Cour de cassation rappelle que la présomption de responsabilité pesant sur les constructeurs qui résulte de ce texte est déterminée par la gravité des désordres, indépendamment de leur cause (Cass, Civ, 1er décembre 1999, n° 98-13.252, publié).

Il est jugé que cette présomption doit être écartée lorsque les désordres ne sont pas imputables aux travaux réalisés par l’entrepreneur (Cass, Civ, 3ème, 20 mai 2015, n°14-13.271). En effet, la charge de cette présomption ne peut être étendue à des constructeurs dont il est exclu, de manière certaine, au regard de la nature ou du siège des désordres, que ceux-ci sont en lien avec leur sphère d’intervention.

La Cour de cassation indique, dès lors, qu’il en résulte :
Que, s’agissant du lien d’imputabilité, il suffit au maître de l’ouvrage d’établir qu’il ne peut être exclu, au regard de la nature ou du siège des désordres, que ceux-ci soient en lien avec la sphère d’intervention du constructeur recherché ;
Que, lorsque l’imputabilité est établie, la présomption de responsabilité décennale ne peut être écartée au motif que la cause des désordres demeure incertaine ou inconnue, le constructeur ne pouvant alors s’exonérer qu’en démontrant que les désordres sont dus à une cause étrangère.

Par conséquent, la Cour casse l’arrêt de la Cour d’appel qui retient que, si le sinistre a pris naissance dans le tableau électrique, il n’est pas démontré avec certitude qu’il est en lien avec un vice de construction ou une non-conformité affectant cet élément, l’expert n’ayant pu faire de constatations techniques suffisantes au regard de son état de dégradation, et ayant raisonné en écartant des hypothèses telles que l’acte de malveillance ou le défaut d’alimentation électrique externe, sans pouvoir être formel. Il en déduit qu’il n’est pas démontré que le sinistre est imputable aux travaux électriques réalisés par l’entrepreneur, lequel n’a pas la charge de démontrer une cause étrangère en l’absence d’imputabilité certaine.

Référence : Cass, Civ, 3ème, 11 septembre 2025, n° 24-10.139, FS-B